

Le lait bio, victime collatérale d’un problème de compétitivité ?
En France, la consommation de produits laitiers bio continue de décliner en 2024. Trois années de crise impactent la collecte, en recul. Ailleurs en Europe, la crise du lait bio a été de plus courte durée et la consommation est déjà relancée. Ce rebond a été permis notamment par le développement de gammes bio des marques de distributeurs, qui n’entache pourtant pas le prix payé aux producteurs. Une situation inconcevable en France. La faute à un manque de compétitivité ?
Le lait bio en France : enfin la sortie de crise ?
Au bout de trois années de crise, une lueur d’espoir apparait enfin pour le lait bio. L’inflation des prix alimentaires, principale responsable du recul de la consommation en bio, est proche de 0 pour l’ensemble du 2nd semestre 2024. Cette stabilisation des prix n’a pas eu d’impact immédiat sur la consommation de produits bio. En 2024, le recul de la consommation atteint 7,2 %, tous produits laitiers bio confondus. Toutefois, début 2025, les ventes en volumes semblent enfin retrouver une dynamique plus positive. Tous produits bio confondus, les ventes en GMS ne reculent plus que de 1,5 % en janvier 2025 en comparaison à janvier 2024.
Du côté des magasins spécialisés, une relance de la consommation a été observée dès 2024, avec une hausse observée des fréquentations de 6,5 % sur l’année. Cependant, cela profite relativement moins aux produits laitiers qu’aux autres catégories de produits alimentaires. Le lait bio est en effet le produit dont la part des ventes en GMS est la plus importante, dépassant les 80 %. Ce produit bénéficie d’une offre importante dans les grandes surfaces.
Une filière qui attire toujours
Cette crise s’est aussi répercutée sur la production. Afin de limiter la crise de surproduction, la plupart des collecteurs refusent les conversions bio hors installations depuis plus de trois ans. Résultat : en 2024, la collecte nationale recule de 4,2 % et le nombre de points de collecte de 5,2 %. En Bretagne, la collecte est en repli de 1,1 % et le nombre de points de collecte de 2,7 %. Notons cependant que la filière lait bio attire toujours les nouveaux installés : en 2024, 17 % des installations aidées en lait sont en bio, un taux à peine plus faible que la moyenne pré-crise.
Et ailleurs en Europe ?
Dans plusieurs pays européens, la consommation ainsi que la collecte ont repris leur dynamique de croissance après une crise qui a été de plus courte durée. C’est notamment le cas en Allemagne. Notre voisin est redevenu le 1er collecteur européen de lait bio depuis mi-2023. La reprise de la consommation a été permise grâce à un lait bio plus accessible. En février 2025, le prix du lait bio en GMS est de 25 % inférieur aux niveaux observés mi-2022. Cela est dû à un développement très fort des Marques de Distributeur (MDD) bio. Elles représentent aujourd’hui 70 % du CA total de la vente des produits laitiers bio en GMS. Même situation en Autriche : le prix du lait bio n’est supérieur que de 7,3 % au prix du lait conventionnel. En France, la différence de prix en avril 2025 est de 11,1 % en moyenne.
Une reprise de la consommation au détriment des producteurs ? Pas si sûr. En Allemagne, le prix moyen du lait bio payé aux producteurs est de 580 €/1 000 litres en 2024. Il est de 20 % supérieur au prix du lait conventionnel. En Bretagne, le lait bio est payé 510 €/1 000 litres aux producteurs, supérieur de 9,5 % seulement au prix du lait conventionnel.
Un manque de compétitivité
Des producteurs mieux payés pour des produits plus accessibles en GMS ? Cette équation n’est soluble que si les industriels ont des marges plus importantes sur leurs autres productions, en particulier en conventionnel. C’est a priori le cas en Allemagne, qui valorise davantage sa production à l’export. Or, les marchés sont particulièrement porteurs actuellement : le cours du beurre atteint des niveaux record depuis plusieurs mois. Une comparaison des outils industriels et des coûts de transformation pourrait aussi nous apporter des réponses. Récemment, un rapport remis au Cniel a montré que les coûts de transformation pour la production de beurre et de poudres seraient plus importants en France qu’en Allemagne.
Quoi qu’il arrive, la situation dans d’autres pays européens est la preuve que la crise du lait bio en France n’est pas une fatalité. Cela montre aussi que, derrière la crise inflationniste, se cache peut-être une crise de compétitivité pour la filière laitière française.