La revanche des marques distributeurs : quelles conséquences structurelles ?

Le développement des marques propres s’affirme résolument comme une tendance partagée en Europe. Dans onze des pays de l’Union, les « Marques de distributeurs » ou MDD, affichent une part de marché supérieure à 30 % sur les Produits de Grande Consommation (PGC), voire dépassent les 40 % : c’est le cas en France, avec 42,1 % de parts de marché pour les MDD (Kantar, 2022). Un chiffre globalement en progression, surtout à l’ère de l’inflation.

Ce qui contribue à leur succès, c’est tout d’abord le prix. En moyenne 25 % moins élevé que les grandes marques, même si l’écart se réduit (la différence était de 35 % en 2013 d’après IRI). Les raisons ? Un packaging simple, peu ou pas de publicité. En signalant habilement leurs MDD dans les rayons aux côtés des autres grandes marques, les enseignes sont gagnantes.

Ce qui n’empêche pas l’innovation : longtemps accusées de « copier » les produits des autres industriels, les MDD peuvent désormais se targuer de compter parmi leurs produits quelques références inédites, notamment sur les produits transformés végétaux ou bio. Enfin, bien conscientes de l’importance accordée à la qualité de la part des consommateurs, les enseignes misent sur des recettes plus simples et visent un Nutriscore avantageux.

Source : étude YouGov Omnibus réalisée du 24 au 25 février 2020 auprès de 1 000 personnes représentatives de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

Quelles conséquences pour les acteurs en amont ?

Depuis ces dernières années, l’émergence de grands groupes, inconnus du grand public et spécialisés dans la production des MDD, s’est confirmée.

Il faut dire que produire pour des distributeurs comporte de nombreux avantages : assurance de recettes régulières et de délais de paiements respectés, frais commerciaux limités, absence de marketing, pas de communication autour d’une marque à promouvoir… Enfin, qui mieux que le distributeur pour connaitre les attentes consommateurs et cibler la demande ?  Les MDD véhiculent aujourd’hui une image de qualité et ont gagné en légitimité, de quoi rassurer les industriels engagés dans leur production. La fonction marketing semble donc se déplacer inexorablement vers l’aval, donnant un poids supplémentaire à la grande distribution dans le système agroalimentaire.

Alors quid des autres acteurs ? Les leaders des marques nationales, connus des consommateurs, n’ont pas eu jusqu’à présent besoin de se battre pour assurer leur accès aux linéaires. Les PME très spécialisées, offrant des produits de niches peuvent également sortir leur épingle du jeu. Mais les principales victimes collatérales de cette tendance pourraient être les acteurs de tailles intermédiaires, n’ayant pas la puissance suffisante pour passer avant les MDD d’un point de vue marketing. Dans un contexte de rationalisation de l’offre, leurs produits seront sûrement les premiers mis de côté.

Les marques nationales seront-elles alors marginalisées ? Pour l’heure difficile d’y répondre. Mais compte tenu de l’inflation actuelle et des conditions structurelles efficaces mises en place par les enseignes ces dernières années, on peut anticiper un développement des MDD destiné à s’intensifier.

Rédigé par Maélie Tredan

Chargée de mission Economie - Emploi, référente distribution, consommation et signes officiels de qualité

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