La nutrition animale à l’assaut de la décarbonation

Sur le front de la décarbonation, tous les maillons des filières d’élevage françaises prennent activement leur part. En Bretagne, le secteur de la nutrition animale est bien avancé et accompagne ses éleveurs-clients dans une démarche de performance.

Lors du Carrefour International des Matières Premières, organisé le 15 septembre 2023 au Rheu (35) par Nutrinoë et Feedsim, la décarbonation des filières d’élevage était au centre des échanges.

L’élevage, un secteur d’avenir sommé d’évoluer

La consommation de viande en France a augmenté de 0,8 % entre 2022 et 2021 à la faveur de l’augmentation de la population et de la consommation par habitant. Mais les importations de viandes ont augmenté de 11,7 % sur cette même période et les cheptels porcins et bovins français s’affaiblissent structurellement, rappelle Vincent Héral, responsable RSE et performance environnementale au SNIA (Syndicat National de l’Industrie de la Nutrition Animale).

Les politiques publiques européennes et françaises liées à l’environnement fixent des objectifs ambitieux : -55 % de gaz à effet de serre (GES) en 2030 par rapport au niveau de 1990, et atteinte de la neutralité carbone en 2050. Dans ce cadre, l’élevage français (hors secteurs para-agricoles) se voit assigné, par la Stratégie Nationale Bas Carbone 3, un objectif de réduction des GES de -16 % d’ici à 2030 (voir article sur la suppression des aides aux bovins).

Le public du Carrefour était choqué d’apprendre que les émissions liées aux importations de viandes ne sont pas comprises dans les 81 Mt CO2 éq imputées à l’agriculture (cf. graphique ci-dessus). Vincent Héral expose alors le (non-)choix pour l’élevage français : décapitalisation ou performance.

La performance passe aujourd’hui par la décarbonation

Lors de son assemblée générale en mai 2023, le SNIA signalait que ses adhérents placent la lutte contre le changement climatique et la décarbonation de l’élevage en 4e place (à 43 %, contre 23 % en 2020) des enjeux incontournables pour les cinq années à venir.

Mieux vaut maîtriser [ce que l’on fait] ici qu’acheter ailleurs.

Hervé Vasseur, président de Nutrinoë et directeur général de Nutréa

Face à cet enjeu de décarbonation de l’alimentation animale, les marges de manœuvres varient selon les espèces : l’aliment pour les volailles (représente 84 % de l’impact carbone relevant de cette production agricole), les fermentations entériques (56 %) et la gestion des effluents (23 %) pour les bovins, comme l’illustrent les graphiques ci-dessous.

Le secteur de la nutrition animale identifie trois axes à travailler pour améliorer la performance environnementale des aliments :

  • L’impact sur le carbone dans la formulation
  • La performance nutritionnelle
  • L’impact sur les rejets.

Duralim, une charte prometteuse

Premier poste d’émission en nutrition animale, les matières premières correspondraient à plus de 90 % des émissions du produit fini, loin devant le transport (3 % des émissions) et l’énergie (2 %) utilisée pour produire les aliments.

La charte Duralim, qui fédère entre autres des entreprises représentant 85 % de la production française d’aliments, entend aider la filière à s’organiser pour réduire son empreinte carbone. Les diverses adaptations prônées permettraient une économie estimée de 1,5 Mt CO2 éq par an sur les 17,4 Mt CO2 éq de la nutrition animale.

Hervé Vasseur, par ailleurs directeur général de Nutréa qui a signé la charte en 2020, nous explique que les émissions peuvent varier de 350 kg CO2e/tonne (aliment truie gestante) à 900 kg CO2e/tonne (correcteur azoté pour vache laitière). La corrélation est très forte avec la teneur en protéine, principalement apportée par le soja conventionnel très émetteur.

Il y a deux leviers pour décarboner un aliment : réduire la teneur en protéines et réduire le taux de soja.

Hervé Vasseur, président de Nutrinoë et directeur général de Nutréa

Ainsi, pour améliorer ses approvisionnements, Nutréa privilégie des sojas non-déforestants et promeut la culture de protéagineux en France via le GIE « Services de Valorisation des Protéines ».

Du côté des éleveurs-clients, Hervé Vasseur admet « la décarbonation n’est pas un argument de vente. […] Avoir le soja en premier ingrédient, ça fait plus chic ». L’entreprise travaille à faire changer les mentalités en parlant de l’enjeu dans toutes ses publications.

Pour conclure, Hervé Vasseur juge que les entreprises de nutrition animale sont plus à même de répondre à l’enjeu de décarbonation grâce à leurs panels d’ingrédients leur permettant plus d’adaptabilité dans leurs formulations que les éleveurs en fabrication d’aliment à la ferme.

Rédigé par William Guillo

Chargé de mission Économie - Emploi, référent alimentation animale, industries agroalimentaires et commerce extérieur

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