Les Français, de plus en plus sensibles aux prix, revoient leurs habitudes en profondeur
Déçus des annonces du gouvernement, souvent mal comprises, selon lesquelles l’inflation allait refluer à la rentrée, les consommateurs sont plus que jamais dans l’attente d’une stabilisation des prix de l’alimentation (qui n’ont fait qu’augmenter depuis deux ans). Diverses études menées pendant l’été nous aident à décrypter l’état d’esprit des Français et la manière dont ils envisagent de consommer dans les mois à venir.
Un moral en berne
Les consommateurs sont aux abois. D’après le dernier baromètre CSA Research pour Cofidis publié le 20 septembre, il leur manquerait en moyenne 588 € par mois pour vivre confortablement sans calculer sans cesse leurs dépenses. Une estimation record depuis 12 ans, alors que les sondés parlaient de 510 € en 2022 et 427€ en 2021.
Un autre sondage réalisé par Appinio pour le magazine LSA entre le 20 et le 23 aout 2023 auprès de 1 000 personnes, nous confirme que les Français accusent le choc après bientôt deux ans d’inflation. En août 2023, ils sont 67 % à considérer que leur pouvoir d’achat est mauvais en août 2023, soit deux fois plus qu’en janvier 2022.
C’est sur l’alimentation que les inquiétudes sont aujourd’hui les plus marquées. Et ce sont malheureusement les produits frais qui, justement, en « font les frais ». Les Français sont en effet plus attentifs aux hausses des prix sur les fruits et légumes, produits laitiers ou encore produits carnés, que sur les autres catégories :
Source : LSA, d’après l’étude d’Appinio d’aout 2023
Des perceptions qui ne traduisent cependant pas complètement la réalité : ce sont les plats cuisinés qui en août ont le plus augmenté (+33 % depuis le début de l’inflation). Cette attention toute particulière pourrait s’expliquer par la saisonnalité : en été, les achats de produits frais, et notamment en fruits et légumes, sont traditionnellement plus importants que durant le reste de l’année. Les variations constatées sur les prix sont donc susceptibles d’être plus nombreuses.
Les Français réagissent
Pour la plupart persuadés que l’inflation va durer et que l’année 2024 sera pire que 2023, les Français sont 55,7 % à envisager de diminuer leurs achats dans les secteurs des loisirs, du divertissement, des vacances, de la décoration et des produits électroniques. Du côté de l’alimentation, plusieurs pistes sont envisagées : descendre en gamme, réduire les quantités, et bien entendu changer de distributeur. Si la solution d’acheter en direct chez le producteur arrive en dernière position, elle est néanmoins envisagée par près de 61 % des sondés :
Source : LSA, d’après l’étude d’Appinio d’aout 2023
Une plus grande confiance dans les discounters et les distributeurs traditionnels pour acheter au meilleur prix
Des prix plus bas… toujours plus bas. Deux Français sur trois font aujourd’hui leurs achats alimentaires en supermarchés d’après l’étude Havas, réalisée sur un échantillon de 1 000 participants. Mais si la grande distribution reste le format préféré des Français pour faire leurs courses, les acteurs sont malgré tout obligés de se plier en quatre pour conserver leurs parts de marchés dans un climat concurrentiel exacerbé par l’inflation.
Car le prix est LE grand critère de décision d’achat (considéré comme décisif pour 65 % des sondés), loin devant la qualité (prioritaire pour 44 % des interrogés seulement), l’engagement écologique (12 %) ou la notoriété de la marque (11 %), et s’apprête à le rester longtemps. 54 % des consommateurs assurent en effet que leur attention au prix va perdurer dans les mois à venir.
Lidl et Leclerc répondent le mieux à ces attentes. Les deux enseignes enregistrent une hausse de leur fréquentation ces derniers mois, Leclerc remportant la palme du magasin préféré des Français. La versatilité des consommateurs s’étant accrue (42 % des Français ont testé d’autres enseignes ces derniers mois à la recherche de prix plus bas), les distributeurs jonglent entre offres promotionnelles et pédagogie pour justifier leurs prix, face à des acheteurs qui leur reprochent des marges trop élevées.
La Bretagne, championne des petits prix
Point positif pour la Bretagne cependant : une étude parue mi-août et menée par le spécialiste de la grande distribution, Olivier Dauvers, avec la société A3 Distrib, a permis d’évaluer dans quelles régions il était possible de faire les courses les moins chères. Et c’est la Bretagne qui remporte la palme d’or, avec les Côtes d’Armor en tête. Les quatre départements voient en effet les prix affichés dans leurs hypermarchés, supermarchés et magasins de proximité en moyenne 4 % inférieurs à la moyenne hexagonale. Un résultat à corréler avec un foncier moins cher dans l’Ouest de la France, mais également une concurrence féroce entre trois enseignes indépendantes que sont Leclerc, Intermarché et le réseau U.
Un avenir incertain qui exacerbe les tensions entre les distributeurs et leurs fournisseurs
Après les coups de pression de Bercy pour faire plier 75 grandes marques depuis la baisse des cours des matières premières, c’est au tour des distributeurs d’user de leur influence. Système U a récemment adhéré à deux centrales d’achat européennes, Epic et Everest. L’objectif : pouvoir négocier toute l’année avec les industriels par l’intermédiaire de ces centrales non soumises aux négociations annuelles franco-françaises.
La fameuse « shrinkflation » ensuite, dénoncée par les distributeurs comme Carrefour. Depuis le 11 septembre, le distributeur informe le consommateur, par une étiquette orange, sur quels produits le grammage a été réduit à prix identique. Un faux problème pour les fournisseurs, qui mettent en avant le nombre très restreint de produits concernés, et qui rappellent que si les industriels en sont réduits à de telles démarches, ce n’est pas pour accroitre leurs bénéfices, mais bien pour éviter de perdre de l’argent.
Difficile dans ce contexte pour un consommateur lambda de prendre parti. Ce qui est à peu près sûr, c’est que personne ne sortira gagnant de l’inflation.