La charcuterie dans le rouge
Face à la hausse des charges et à l’impossibilité de les répercuter à la distribution, les entreprises de charcuterie sont à la peine. Causes, conséquences et perspectives : décryptage de la situation avec Christiane Lambert, Présidente de la Fédération des entreprises françaises de charcuterie traiteur (FICT).
Production, abattage, transformation : la Bretagne est la première région française pour tous les maillons de la filière porcine. Une cinquantaine d’établissements compose le secteur régional industriel de la charcuterie salaisonnerie.
Aujourd’hui, le secteur vacille. Le récent rapport de la Banque de France estime que près d’un tiers des entreprises étaient déficitaires en 2023 et la situation ne devrait pas s’améliorer en 2024. Christiane Lambert revient pour AgriEco sur les difficultés rencontrées par ce secteur.
Hausse des charges pour les charcuteries
Les contraintes s’accumulent pour les opérateurs de la charcuterie :
- « le coût de l’énergie a explosé alors que notre industrie est très énergivore » puisqu’il faut chauffer, stériliser et transformer les produits.
- « le Smic a augmenté de 13 % en deux ans, et s’apprête à augmenter de nouveau de 2 % au 1er novembre ». Les impacts sont significatifs pour les entreprises puisque « la charcuterie est l’industrie agroalimentaire dont l’intensité d’emploi est la plus importante ».
- des réglementations toujours plus poussées, comme sur la sécurité sanitaire ou les emballages. « La suppression du plastique est compliquée pour le jambon, l’alternative carton ne peut pas fonctionner ».
- « le prix du porc qui représente 50 % du coût des intrants pour les charcuteries ». 2023 a été une année record avec une moyenne du prix du porc à 2,115 €/kg de carcasse.
Danger sur la compétitivité des charcuteries
Dans les entreprises, ces difficultés se traduisent concrètement par « moins de marge, moins de trésorerie, moins d’investissement ». Or, « quand le taux d’investissement recule, c’est préjudiciable pour l’avenir ». Cela impacte la compétitivité de l’outil industriel et ouvre la porte aux importations. Aujourd’hui, « une référence de charcuterie sur cinq est déjà importée de concurrents européens ». Si l’on n’y prend pas garde, cette tendance pourrait se renforcer.
La structure de nos échanges commerciaux est déjà déséquilibrée. En 2022, la France a exporté pour 110 000 tec de produits transformés en viande porcine pendant qu’elle en importait 278 000 tec. Dans le même temps, elle exportait 481 000 tec de matières brutes. Ce tonnage échappe donc aux industriels français de la charcuterie. Un déficit accru de compétitivité serait une aubaine pour nos concurrents européens !
Face aux distributeurs, les charcuteries veulent raisonner filière
A l’approche des négociations commerciales, Christiane Lambert alerte : « la stratégie française du toujours plus bas est tueuse pour l’industrie ». Pourtant, les distributeurs montrent déjà les dents : « certains annoncent des baisses de tarifs de 10 à 15 % quand d’autres rejoignent des centrales d’achat européennes » pour contourner les lois françaises.
Dans un contexte de déconsommation, le rayon charcuterie fait exception puisque les achats sont toujours au rendez-vous. Les distributeurs ne s’y trompent pas et ils y réalisent leur meilleure marge « avec un taux de marge nette six fois supérieur à la moyenne des autres rayons en 2023 » d’après l’Observatoire de la formation des prix et des marges.
Par conséquence, « la pression s’annonce très forte sur les fournisseurs de charcuterie ». Christiane Lambert insiste pour « raisonner filière, trouver une relation équilibrée avec des entreprises qui recherchent de plus en plus le sourcing français pour sa fiabilité et sa qualité ». Rendez-vous en 2025 pour savoir si elle sera entendue !