Agriculture et agroalimentaire bretons face aux enjeux de l’eau
Depuis quelques années, la Bretagne doit aussi composer avec une ressource en eau fragile. Dans ce contexte, l’agriculture et l’agroalimentaire ont à combiner solutions technologiques et sobriété au rythme des évolutions réglementaires.
L’eau est devenue une préoccupation en Bretagne
« En Bretagne aussi l’eau devient rare ». Cette campagne de sensibilisation a été lancée par la Région suite à la sécheresse de 2022 pour casser l’image d’une Bretagne avec des ressources illimitées.
Après des décennies consacrées en priorité à la reconquête de la qualité de l’eau, la gestion quantitative redevient une priorité.
Magistrats de la chambre régionale des comptes de Bretagne
Trois-quarts de l’eau potable consommée en Bretagne provient d’eaux de surface, une menace en cas de sécheresse prolongée. Par ailleurs, « la pression démographique, essentiellement à l’est de la région et sur les zones côtières alors que la pluviométrie est deux fois plus importante à l’ouest, conjuguée aux épisodes de sécheresse […] vont créer un effet de ciseau entre les besoins en eau et la disponibilité d’une ressource de qualité et placer le bassin breton en situation de vulnérabilité» selon le rapport « la gestion quantitative de l’eau en période de changement climatique » de juillet 2023 de la Cour des Comptes.
En agriculture, des opportunités d’irrigation à confirmer
L’objectif de 1000 projets de Réutilisation des Eaux Usées Traitées d’ici 2027 a été fixé par le gouvernement. La réglementation française, qui limitait jusqu’à présent les projets de réutilisations d’eaux de stations d’épuration, est en cours d’évolution. En Bretagne, plusieurs collectivités territoriales mènent actuellement des études d’opportunité sur le sujet où l’irrigation agricole fait partie des débouchés potentiels.
Charles David, chargé de mission Eau à la Chambre d’agriculture de Bretagne, rappelle que la préoccupation principale de la profession agricole concernant l’utilisation de ces eaux usées traitées est l’enjeu sanitaire. En particulier sur les fruits et légumes consommés directement, il y a un besoin de clarification sur les garanties et responsabilités. Parmi les autres enjeux : la gestion de l’eau à l’échelle des territoires, et la transparence vis-à-vis de la filière et des consommateurs.
En agroalimentaire, la réutilisation en interne se précise
Le décret Reuse, paru en janvier 2024, autorise l’IAA à utiliser « les eaux recyclées issues des matières premières, les eaux de processus recyclées et les eaux usées traitées recyclées » pour des usages avec ou sans contact avec les matières travaillées. La définition de paramètres microbiologiques et physico-chimiques minimums pour ces eaux doit garantir la salubrité de la denrée alimentaire finale.
En Bretagne, l’IAA représente 12 % des prélèvements totaux. L’ABEA (Association Bretonne des Entreprises Agroalimentaires) estime dans une récente étude que la moitié des industriels bretons ont un projet de réutilisation de l’eau. Citons pêle-mêle l’osmoseur à la conserverie de légumes d’aucy du Faouët, l’adaptation des pratiques culturales pour les légumiers travaillant avec Eureden, le nettoyage des installations de Laïta optimisés par l’intelligence artificielle.
Avoir de l’avance sur les consommations d’eau devient indispensable du point de vue technique mais aussi politique.
Ces projets constituent des gages à donner aux préfectures en cas de sécheresse et de restriction de l’usage de l’eau.
Ce sujet est aussi travaillé par les associations écologistes. Début septembre 2023, le syndicat Eau des portes de Bretagne a été sommé par la Commission d’accès aux documents administratifs de communiquer les données de consommation des usines Bridor et Vandemoortele d’Ille-et-Vilaine à la demande de l’association rennaise La Nature en ville. Nous y apprenons que la réduction de consommation d’eau des deux usines serait respectivement de -37 % et -8 % entre 2021 et 2023.
Réemploi des eaux usées : gare à la solution miracle
Dans un rapport de juillet 2023, les ministères de la Santé, de l’Agriculture et de l’Environnement estimaient que le recours aux eaux « non-conventionnelles » (ENC), dont font parties les eaux usées traitées et pluviales, peut constituer « une solution intéressante ». Mais ils tempèrent :
Les ENC ne sont pas une solution magique aux problèmes tendanciels de manque d’eau
Ministères de la Santé, de l’Agriculture et de l’Environnement
Ils rappellent les coûts économiques et environnementaux (énergie, additifs) élevés. Elle n’est aussi pas compétitive face à l’eau potable qui reste « lourdement subventionnée » en France estimait en mai 2018 l’Institut national de l’économie circulaire.