Filières bio françaises : le bout du tunnel ?

Face à l’avalanche d’informations liées à la bio, un point d’étape semble nécessaire pour y voir plus clair sur la situation dans les filières à l’échelle nationale. Le recul historique des surfaces en agriculture bio en 2023 cache des situations et des perspectives hétérogènes selon les filières.

La sentence a été prononcée courant juin par l’Agence Bio* dans son panorama annuel : les surfaces en bio ont reculé de 54 000 hectares en 2023, soit une baisse de 2 %, pour s’établir à 10,4 % de la SAU française. En Bretagne, les surfaces sont relativement stables.

L’évolution des surfaces en bio en 2023 montre une baisse contenue dans la plupart des régions françaises (source Agence Bio)

Filière bovin lait bio : la collecte en recul

Au deuxième trimestre, la collecte en cumul sur 2024 baisse de 4,8 % par rapport à 2023, un rythme équivalent à l’année passée. Côté consommation, des signes de stabilisation sont perceptibles dans un contexte de ventes dynamiques pour les produits laitiers dans leur ensemble (+0,6% /2023 en équivalent lait sur la même période).
Concernant les fabrications, toutes les catégories diminuent leurs volumes sur les quatre premiers mois de 2024 par rapport à 2023, sauf les produits laitiers frais. La situation diffère selon les collecteurs : Lactalis a déclassé près de la moitié de son lait bio en 2023, quand Biolait se montre très optimiste en tablant sur le doublement de ses fermes à horizon 2050. Biolait multiplie les animations en magasin en grandes et moyennes surfaces, mise sur l’impact carbone en menant des diagnostics sur ses fermes et souhaite « développer et diversifier les sources de revenus pour les adhérents », sans plus de précision.

Filières viandes bio : les principales filières régressent

Même son de cloche dans les filières viande : le nombre d’éleveurs recule avec pour conséquence une baisse des effectifs surtout pour les porcs (-6 %), les truies (-8 %) et les poulets de chair (-8 %). Le déclassement de viandes bovines a été plus important dans les trois régions du Grand Ouest que dans le reste de la France. Seules les brebis viandes augmentent significativement (+3 %). Dans les rayons, les viandes bio sont passées sous la barre symbolique des 3 % en valeur dans le panier moyen au deuxième et troisième trimestre 2023.
Pour attirer de nouveau les consommateurs, la commission bio d’Interbev mise sur la communication autour des externalités positives de l’élevage bio sur l’environnement (qualité de l’eau, biodiversité,…) et sur les raisons du prix des viandes bio liées aux garanties du label AB.

Filière œufs bio : la baisse des marges pousse à l’arrêt des contrats

Marquées par une baisse des ventes et une augmentation des coûts de production, les marges des producteurs sont en forte réduction, poussant certains à ne pas reconduire leur contrat. Le cheptel pondeuses bio est passé d’un record de 15,8 % du cheptel national en 2021 à 14 % au dernier trimestre 2023. Aujourd’hui, face à des ruptures d’approvisionnement en conventionnel, certains consommateurs se tournent vers le bio même si des promotions stimuleraient encore davantage leurs achats.

Filières végétales : dynamiques hétérogènes dans l’assolement

A l’échelle nationale, ce sont plus de 24 000 hectares de grandes cultures, principalement en oléagineux, qui ont été déconvertis. En Bretagne, 6 % des exploitations spécialisées en grandes culture sont concernées, chiffre équivalent à ce qui s’observe chez nos voisins normands et ligériens. En rajoutant à cela les conditions de semis humides, la récolte 2024 est l’une des pires depuis quarante ans. Comme le besoin de déclassement est moindre, les prix devraient être préservés pour favoriser la nouvelle récolte. La baisse de la demande pour l’alimentation animale devrait être moins forte qu’en 2023 et la meunerie devrait rester sur les mêmes volumes que la campagne passée.

La baisse en fruits et légumes est respectivement de 978 et 3 126 hectares au niveau national. La consommation est en berne sur le premier trimestre 2024 par rapport à la même période en 2023. Cela est principalement dû à une offre réduite en fruits et légumes de saison en raison de l’hiver pluvieux. Signe positif : la clientèle se fait plus nombreuse au début du printemps ce qui laisse espérer une reprise du marché.

Filières végétales : poids respectifs dans la SAU bio en pourcentage et évolutions versus 2022 en nombre d’hectares (source Agence Bio)

Quelles perspectives pour les productions bio ?        

La nouvelle aide d’urgence à la bio de 105 M€  – après 104 M€ en 2023 – est salutaire mais insuffisante. Le plan Ambition bio 2027 du gouvernement réaffirme l’objectif de 18 % de SAU en bio et se structure autour de trois axes :

  • stimuler la demande de produits biologiques et renforcer la confiance des consommateurs ;
  • consolider et développer des filières biologiques résilientes et ancrées dans les territoires ;
  • accompagner les opérateurs face aux enjeux sociétaux et environnementaux d’aujourd’hui et de demain.

La déconsommation du bio observée majoritairement en GMS*** a révélé la forte dépendance à l’égard de ce canal de vente. L’Agence Bio veut donc travailler sur la diversification et le développement des débouchés. La restauration hors domicile est en ligne de mire : elle ne représente que 9 % des débouchés, dont 1 % en restauration commerciale. Pour cela il s’agit de ne pas s’adresser qu’aux « étoilés, mais aussi aux kebabs, pizzerias, traiteurs, glaciers ». De plus, le vin bio ne doit pas être l’unique bénéficiaire.

De son côté, la distribution spécialisée se tourne vers sa reconstruction. Les réseaux misent davantage sur les petites unités et proposent des promotions plus agressives. Cette stratégie pourrait être payante compte tenu de l’appauvrissement de l’offre bio dans la grande distribution.


*Agence Bio : groupement d’intérêt public de promotion de l’agriculture biologique
**PPAM : Plantes à parfum, aromatiques et médicinales
*** GMS : grandes et moyennes surfaces

Rédigé par William Guillo

Chargé de mission Économie - Emploi, référent distribution, consommation et signes officiels de qualité

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