Aviculture ukrainienne : entre solidarité et craintes en Europe

L’Europe a choisi de soutenir économiquement l’Ukraine. Cette situation a ouvert la voie à une hausse des importations de volaille vers l’Europe qui questionne les acteurs politiques et économiques mais qui reste à relativiser.

En juin 2022 est signé un accord de solidarité entre l’Union européenne (UE) et l’Ukraine, reconduit pour un an le 6 juin 2023. Les exportations agricoles et agroalimentaires du pays ont alors augmenté de 60 % en direction de l’UE sur les cinq premiers mois de 2023, au détriment de débouchés moins rentables et plus difficiles d’accès comme l’Afrique. Parmi les secteurs les mieux lotis : les céréales, la volaille et les ovoproduits.

Un marché de l’aliment porteur pour l’aviculture

Malgré la perte d’infrastructures portuaires suite à des attaques de la Russie et le retrait du pays, mi-juillet 2023, de l’accord sur les exportations de céréales en mer Noire, l’Ukraine a pu maintenir ses échanges via un nouveau corridor maritime ouvert un mois plus tard. Cette situation bénéficie en premier lieu aux éleveurs de volaille polonais qui voient leur production dopée par ces céréales bon marché.

Mais les acteurs agricoles et agroalimentaires ukrainiens expriment de plus en plus le souhait d’augmenter la valeur ajoutée générée dans leur pays en exportant des ovoproduits et de la volaille plutôt que de l’aliment (cf. article de novembre 2022). Ils comptent profiter d’avantages concurrentiels (faible coût de la matière première végétale, main d’œuvre bon marché et réglementation souple) pour renforcer leur secteur avicole. Un nouvel élevage de 400 000 poules en cage aux normes UE proche de la frontière européenne est un marqueur fort de cette stratégie.

Une situation qui inquiète en Europe

Face à cela, les interprofessions européennes et françaises sont vent debout pour dénoncer une concurrence déloyale de l’Ukraine vis-à-vis des producteurs européens. Elles pointent notamment trois sociétés ukrainiennes : Ovostar et Avangard qui totalisent dix millions de poules pondeuses sur quatre sites et acheminent 5 000 tonnes d’œufs tous les mois vers l’Europe ; et MHP qui concentre trois-quarts du secteur volailler ukrainien.

Pour l’ANVOL, interprofession de la volaille en France, la reconduction de l’accord de solidarité favoriserait ces holdings au détriment des producteurs français et européens. Avec le Comité national pour la promotion de l’œuf (CNPO), elle appelle une meilleure répartition de l’effort de soutien à l’Ukraine entre les pays européens et en se basant sur une clause de réciprocité. Avec leurs homologues européennes, compte tenu de cette conjoncture nouvelle, elles demandent aussi l’activation de la clause de sauvegarde prévue dans l’accord commercial UE-Ukraine qui restreindrait les importations ukrainiennes.

En Bretagne, des importations en hausse mais relativement faibles

Source : Chambres d’agriculture de Bretagne d’après douanes

Pour notre région, l’accord de solidarité a incontestablement provoqué une hausse des volumes d’importations de viandes de volailles depuis l’Ukraine. Mais la part des importations venant de Pologne sur le premier trimestre 2023, trimestre où le volume d’import ukrainien était à son plus haut historique, permet de relativiser le poids de l’origine ukrainienne dans l’approvisionnement des outils industriels bretons[1]. A noter enfin que la Bretagne a abattu dix fois plus de volailles (en masse) qu’elle n’en a importées sur cette période.

La hausse des importations bretonnes de viandes de volailles ukrainiennes ne devrait pas, à court terme, bouleverser fondamentalement les équilibres économiques de la filière compte tenu des réactions au niveau européen et des décisions qui pourraient en découler. A plus long terme, la situation reste à surveiller : des courants commerciaux de viande à bas prix se sont renforcés avec l’Ukraine. Face à une filière avicole française structurellement déficitaire, les segments de la restauration hors domicile et de la fabrication de plats préparés pourraient y voir une attractivité certaine !


[1] Une partie des importations bretonnes de viandes de volaille ukrainienne peut échapper à cette comptabilité : la transformation de volailles dans un pays tiers en change l’origine identifiée par les douanes.

Rédigé par William Guillo

Chargé de mission Économie - Emploi, référent alimentation animale, industries agroalimentaires et commerce extérieur

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