Un Marché du Porc Breton affaibli par le départ de Bigard

Le 18 août dernier, le groupe Bigard a annoncé sa décision de se retirer du Marché du Porc Breton.

Un leader français rétif au MPB

Ce n’est pas la première fois que Bigard, premier abatteur de porcs en France, décide de quitter le marché du Cadran de Plérin. En 2015, déjà, le géant breton abandonne le marché au Cadran de Plérin à l’occasion d’une crise de marché.

Ce n’est qu’avec la reprise d’Abera en 2022, que ce dernier se retrouve de nouveau partie prenante du Marché du Porc Breton (MPB). Mais plus par la force des choses puisqu’Abera en était resté jusqu’alors un acheteur important. Le groupe Bigard a donc décidé d’aligner la stratégie d’approvisionnements de son abattoir Abera nouvellement acquis avec celle de ses autres sites. Cela risque cependant d’avoir des conséquences importantes sur la crédibilité du MPB et plus généralement sur le fonctionnement de la filière porcine française.

Vers un MPB pesant moins de 5 % du marché français

En 2022, le MPB a vendu 1 360 508 porcs. Cette même année, la France a abattu 23 millions de porcs. Le MPB couvrait donc 5,9 % de la production nationale. Comme le montre le graphique ci-dessous, Abera était alors le troisième acheteur en volume en MPB avec près de 19 % des achats.

Source : Marché du Porc Breton

Si les autres acheteurs ne devaient pas augmenter leurs achats auprès du MPB, celui-ci pourrait donc ne représenter plus que 4,8 % des porcs commercialisés en France. Il dépendrait essentiellement de trois entreprises acheteuses : le groupe Bernard, Kermené et JPA. Le nombre de groupements apporteurs est lui aussi limité et ne représente pas l’ensemble de la filière. Cooperl, le plus gros groupement français, est ainsi absent.

Source : Marché du Porc Breton

Du collectif vers l’individuel

En 2014, le MPB avait vendu 3,1 millions de porcs, ce qui représentait plus de 13 % de la production nationale. Ce marché a donc perdu beaucoup de poids ces dernières années. Tant et si bien que l’on peut poser la question de la légitimité de son rôle de référence dans l’établissement du prix du porc en France.

A l’origine, le MPB s’est développé par la volonté des éleveurs de porcs de peser face à des acheteurs plus puissants qu’eux car plus concentrés. En regroupant leur offre au sein d’un même lieu et en organisant des ventes selon un processus transparent, les agriculteurs s’émancipaient de cette emprise. Ils créaient un prix identique pour tout le monde et des normes communes. L’affaiblissement du MPB marque le retour progressif à un fonctionnement qui existait avant le MPB, à la différence que les entreprises de l’aval sont aujourd’hui bien plus concentrées et que les groupements de producteurs se sont aussi largement restructurés. Les agriculteurs vont donc avoir tendance à avoir des contrats et donc des prix de plus en plus différents selon leurs groupements et les clients de ces groupements.

Cette évolution peut s’expliquer par le développement de la segmentation et des nouveaux modes de production (mâles entiers par exemple). Mais surtout par la volonté des abatteurs qui préfèrent mettre en place leurs propres contrats et ne plus avoir à suivre une référence unique. Les agriculteurs dans leur ensemble sont aussi sans doute moins mobilisés dans l’idée de défendre une position collective qu’au cours des années 1950 – 1960.

Rédigé par Arnaud Haye

Chargé de mission Economie - Emploi, référent sur les filières viande bovine, porc et volailles de chair

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