Conjoncture : la Bretagne manque de lait

Déjà à l’œuvre depuis 2019, la décapitalisation s’accentue et rien n’indique que la tendance s’inversera prochainement. Au contraire, le prix de vente, favorable fin 2022, amorce une diminution tandis que les charges se stabilisent. Conséquence de la crise, le lait bio est aussi touché par une baisse de production.  

Depuis le début de l’année, la Bretagne connaît une baisse de sa collecte par rapport à 2022, ainsi que par rapport à la moyenne 2017-2021. En cumul sur le 1er trimestre, la collecte bretonne est en repli de 2,8 % par rapport au 1er trimestre 2022. La baisse de collecte est plus prononcée en Bretagne que sur l’ensemble du pays (-1,8 %/2022). Cela s’explique par une réduction du cheptel breton qui est aussi plus marquée. Au 1er avril, le cheptel laitier est en recul de 2,7 %/2022 contre 2,4 % en France. Cette diminution du cheptel laitier est d’ordre structurel et à l’œuvre depuis 2019. Toutefois, en ce début d’année elle est accentuée par le fait qu’au 1er semestre 2022 les éleveurs bretons ont maintenu leur cheptel afin de profiter de la hausse du prix du lait. La décapitalisation du cheptel s’est ensuite accélérée à partir de l’automne, et ne ralentit plus depuis.

Une aggravation du phénomène à venir

En cumul sur le 1er trimestre, par rapport à la moyenne 2017-21, c’est dans le Finistère que la collecte est la plus touchée (-7,8 %) suivi par le Morbihan (-6,0 %). Elle résiste mieux dans les Côtes d’Armor (-2,1 %) et en Ille-et-Vilaine (-2,6 %). Notons qu’en Ille-et-Vilaine le phénomène est nouveau. La collecte était encore stable en 2022 et n’amorce un recul important que depuis le début de l’année.

Nous savons déjà que la diminution de la collecte perdure, voire s’aggrave, durant le 2ème trimestre. En avril, le recul de la collecte est estimée à 2,8 % par rapport à avril 2022. Pour mai et juin, les sondages hebdomadaires indiquent une baisse de la collecte allant de 4 % à 5 %/2022 sur l’ensemble de la région. Le recul du nombre de points de collecte serait du même niveau. Ainsi, la baisse du nombre d’exploitations n’est pas compensée par une hausse de leur production.

Des prix moins favorables

Après une hausse ininterrompue depuis mi-2021, le prix réel payé au producteur breton diminue ce trimestre. En mars 2023, il est de 462 €/1 000 litres soit 8 % inférieur au prix de janvier 2023. Cependant, il est 7,8 % supérieur au prix de avril 2022. Le prix du lait aurait baissé au même rythme en mai, ce qui placerait le prix réel payé aux producteurs à 450 € les 1 000 litres, soit une hausse annuelle inférieure à 5 %.

Après une longue période de stabilisation, les charges commencent à diminuer : en avril 2023, l’indice Ipampa diminue de -1,5 %/mars 2023. Cependant, la variation annuelle reste positive : +1,8 %/2022. La marge laitière des producteurs se réduit donc depuis le début de l’année. La diminution des charges est principalement liée à la chute du prix des engrais : -22,6 %/2022. En revanche, les charges liées aux services, à l’outillage et à l’entretien des bâtiments, connaissent toujours une hausse annuelle supérieure à 7 %.

Après avoir été en chute libre de l’été  2022 à janvier 2023, les cours européens du beurre et des poudres de lait se sont stabilisés depuis début février. La collecte européenne, en hausse annuelle durant tout l’hiver, s’équilibre depuis mars et les prévisions annoncent une orientation à la baisse pour le 2nd semestre. En revanche, les exportations européennes restent dynamiques malgré le retrait chinois (en volume sur les deux premiers mois de l’année : +12 %/2022 pour le beurre, +28 % pour la poudre de lait écrémé). L’ensemble de ces éléments présagent une stabilisation du prix du lait payé aux producteurs bretons à partir du début de l’été.   

Le lait bio n’est pas épargné

Conséquence de la crise, la collecte du lait bio en Bretagne chute. Sur l’ensemble du 1er trimestre, la diminution est de 4,4 %/2022, un record depuis 2015. Cette baisse est bien plus prononcée en Bretagne que dans le reste du pays (-1,0 %). Une grande partie des laiteries refusent les conversions hors installations et reprises, ce qui enraye la croissance du nombre de points de collecte : ils sont 858 en Bretagne en mars 2023, soit le même nombre qu’en mars 2022. La tendance devrait être à la baisse pour les mois à venir.

Vous pouvez retrouver, dans cette publication, la conjoncture des principales filières agricoles bretonnes, ainsi que les actualités concernant le secteur des industries agroalimentaires, les exportations et enfin la distribution et la consommation.

Rédigé par Olivier Carvin

Chargé de mission Economie - Emploi, référent sur la filière laitière Docteur en économie de l'agroenvironnement. Breton d'adoption. Je mets mes compétences en analyse économique au service de la filière laitière bretonne. Je suis aussi le M. Diffusion de l'équipe.

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