Produits sous mentions ou signes de qualité : quel bilan après deux années d’inflation ?

Les sondages et les résultats en magasin le montrent : moins d’importance accordée aux allégations environnementales des produits, report sur des références moins onéreuses, changement d’enseigne, chasse aux promotions… Les Français cherchent à réduire le poids de l’alimentaire dans leurs dépenses quotidiennes.

D’après Circana, le poids des marchés du « mieux-consommer » (marques locales, bio, Label Rouge, etc) s’est sensiblement réduit, passant de 11,4 % du marché des PGC en valeur au premier semestre 2022 à 10,7 % au premier semestre 2023, alors qu’il progressait jusqu’à présent constamment (LSA, 30/10/23). Pour autant, si l’inflation met un petit coup de frein aux intentions d’achats dits « vertueux », il ne s’agit pas d’un coup d’arrêt.

Le bio en difficulté

Parmi les produits labellisés, c’est bien le bio qui est le plus à la peine. D’après Kantar Word Panel, les consommateurs lui consacraient en 2021 un budget d’achat de 188 € contre 164 € en 2023. Entre 2023 et 2022, le nombre d’articles vendus à donc baissé de 11 % en bio, contre seulement 0,8 % en conventionnel. Le pic inflationniste étant désormais dépassé, il faut espérer que les achats cesseront de chuter. L’Insee prévoit une hausse du pouvoir d’achat de 0,8% pour le milieu de cette année. Une modeste amélioration donc, mais qui marque le début de la fin d’une spirale infernale.

Plusieurs industriels croisés sur le CFIA notent par ailleurs des signaux plus favorables concernant leurs ventes de produits bio en ce début d’année. Attention cependant : car, en cette période de crise, les consommateurs se sont tournés vers d’autres labels ou mentions qui ont su, par leur prix plus bas et leurs arguments, les séduire.

Les autres signes de qualité de plus en plus concurrencés

En volaille Label Rouge, à l’instar du bio, la baisse de consommation a commencé dès 2022 : -18 % en volumes par rapport à 2021, quand les volailles non labellisées ne perdaient que 2,6 %. Une tendance qui s’est confirmée en 2023 : l’organisation bretonne Les Fermiers d’Argoat a par exemple relevé une diminution de 15 % de la consommation sur certaines charcuteries, ainsi qu’une tendance baissière sur les découpes de poulets ou le porc fermier, induisant quelques déclassements de ce dernier. Les résultats sur les œufs sont cependant restés bons, et le nombre de producteurs engagés est demeuré stable.

Comme en bio, les labels bien connus tels que les Labels Rouges, AOP-AOC ou IGP, sont de plus en plus concurrencés : nous sommes passés d’en moyenne neuf labels et huit mentions connus des consommateurs en 2017 à treize labels et treize mentions en 2022. De quoi accentuer la concurrence dans une conjoncture plus propice à la descente en gamme qu’à la montée. Les labels doivent aujourd’hui réaffirmer leurs valeurs et leurs atouts auprès des consommateurs qui doutent plus facilement. Problème : les budgets de communication des organismes défenseurs des signes de qualité sont souvent restreints d’une part, et les évolutions des cahiers des charges, permettant aux signes de se prévaloir de nouvelles allégations (notamment environnementales), sont très longues à voir le jour. Ce décalage entre attentes des consommateurs et adaptation de l’offre devra inévitablement se réduire si ces signes de qualité historiques veulent conserver leur place dans les paniers.

Les signes de qualités qui gagnent en notoriété

Kantar Word Panel a réalisé une étude afin de déterminer quels labels ou mentions avaient le plus gagné en notoriété en 2023. La marque Bleu Blanc Cœur (BBC) et la mention Zéro Résidus de Pesticide (ZRP) remportent la palme :

Pourquoi ce succès ? Leurs prix plus attractifs et leurs promesses qui concurrencent celles du bio notamment. Pour la mention ZRP, l’étude Kantar a révélé que 50 % des consommateurs trouvent qu’elle garantit des produits meilleurs pour la santé, contre 24 % pour le bio… Par ailleurs, tout comme la marque BBC, la mention ZRP a su étoffer sa gamme (220 références) et travailler assidument sa communication (partenaire de « Petits plats en équilibre » sur TF1 par exemple).

Profitant de la même dynamique, de nombreux produits affichent de bons résultats malgré la crise. Les compotes sans sucres ajoutés et les œufs plein air illustrent bien ce propos :

Pour les compotes, alors que le bio classique et le bio sans sucre ajouté sont à la peine, les références « sans sucre ajouté » non bio raflent la mise. Le secret : le maintien d’une promesse santé pour un prix beaucoup plus attractif.

Idem pour les œufs. Sur le premier semestre 2023, l’institut d’étude Circana a relevé de belles performances sur ces produits qui demeurent des sources de protéines accessibles et appréciées des consommateurs, qui en consomment environ 220 par an, frais ou sous forme de plats préparés (voir à ce sujet notre article ). Les ventes ont progressé de 21,8 % en valeur et de 4 % en volume (soit 6,28 milliards d’unités) par rapport au premier semestre 2022. Mais dans le détail, on constate que les œufs bio ont reculé entre 6,2 % et 7,1 % en volume, tandis que le plein air a progressé de 14,1 à 15,6 % (soit environ 2,5 milliards d’unités). Il représente aujourd’hui 38,7 % des volumes achetés.

Troisième exemple, les laits équitables tels que C’est qui le patron ?, Les éleveurs vous disent merci ou FaireFrance. Circana affirmait pour le magazine Les Marchés que ces offres représentaient désormais 20 % du rayon des laits, avec une progression de 2,1 % en volumes en 2023 par rapport à l’année précédente, « alors que les laits non-équitables entiers, demi-écrémé et écrémés reculaient de 0,6 % » (Juliette Favre, Insights Manager pour le panéliste Circana, 1/02/24, Les Marchés – Réussir).

La visibilité en question

Certes, le prix joue : les produits sous labels sont en moyenne 20 à 40 % plus chers que les produits ordinaires. Mais soulignons que le déréférencement opéré dans les rayons des GMS contribue, pour le bio comme pour les autres labels, à la baisse de la consommation. Ainsi, Circana soulignait que l’offre en magasin sur les jambons par exemple avait été réduite de 17,5 % pour ceux issus d’élevages responsables, et de 6,7 % pour le Label Rouge. En bio, après une réduction drastique de l’offre (jusqu’à -13,5 % en 2023 par rapport à l’année précédente), la situation s’améliore très légèrement début 2024.

Espérons que la situation se stabilise, afin que de voir repartir les ventes à la hausse le plus rapidement possible.

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