La logistique, moteur du système alimentaire breton

Géographiquement excentrée, la Bretagne se repose sur son infrastructure routière pour acheminer ses productions. Le modèle logistique actuel, hérité de la seconde moitié du XXe siècle, bute de plus en plus sur des obstacles qui l’obligent à revoir ses pratiques.

Une péninsule à la périphérie de l’Europe

Par sa situation géographique atypique, la Bretagne fait face à des flux plus longs et plus coûteux que ses voisins. Pour compenser, la région continue de renforcer ses infrastructures routières efficaces et structurantes. Le ferroviaire est une solution pour une meilleure connexion aux principaux bassins de consommation européens à condition de le relancer. C’est enfin le transport maritime qui présente le plus de potentiel. Pour l’instant, les ports de Brest, Lorient et Saint-Malo sont principalement tournés vers l’importation et sont concurrencés par les ports limitrophes. Ainsi, début décembre 2023, un programme d’investissement s’inscrivant dans le temps long pour le port de Brest a été annoncé : 900 M€ sur 40 ans dont 500 M€ d’ici à 2033. Un des enjeux industriels de ce plan est le développement d’une plateforme logistique mer-route-train.

Port de Brest – Crédit Panoramic Bretagne

La logistique au cœur du rapport de force industriels-distributeurs

Les produits agricoles et agroalimentaires pour le marché intérieur représentent environ 40 % des exportations hors Bretagne. Pour ceux restant en France, ils sont transportés quasiment exclusivement par route à destination, pour les trois-quarts, du Grand-Ouest en comptant l’Île-de-France. C’est la grande distribution, avec 62 % de part de marché pour le commerce alimentaire, qui dicte son modèle d’optimisation logistique.

Cependant, en marge d’une journée sur les nouveaux modèles logistiques bretons, Emmanuel Hamon (directeur Supply Chain & Achats chez SILL Entreprises) évoque la fin possible d’un cycle pour le flux tendu. Gourmand en transport routier, ce mode d’acheminement bride les modes ferroviaires et maritimes et est sous-optimal en termes de remplissage. Il relaie donc la demande d’autres entreprises agroalimentaires finistériennes de bénéficier de plus de délai pour l’acheminement des denrées alimentaires et d’organiser une meilleure répartition des stocks entre les différents maillons.

Un secteur qui s’adapte aux mutations de la société

Depuis le début du XXe siècle, logistique et pratiques agricoles et agroalimentaires ont évolué de concert[1] pour proposer des aliments de qualité, en abondance et accessibles. A côté de ces fondamentaux, de nouveaux enjeux apparaissent. Notamment, la technologie ouvre des champs d’application en termes de rationalisation, de traçabilité et de gestion de la qualité des produits. Les pratiques logistiques devront intégrer les demandes sur le bien-être animal ou la re-territorialisation. Sur ce dernier point, le développement de circuits de distribution locaux intègre un nouvel acteur du transport des denrées alimentaires : le producteur. Le retour en force du commerce de détail de proximité et l’obligation de 20 % de surface de vente dédiés au vrac dans les commerces alimentaires de plus de 400 m² en 2030 demanderont d’importantes adaptations.

Mais par-dessus tout, ce seront les adaptations aux enjeux climatiques et énergétiques qui seront déterminantes entre décarbonation, réduction des déchets, remise en cause des échanges à longue distance, etc.

Conscients de cela, certains logisticiens déplorent un manque de volontarisme de la part de leurs clients : sur plus d’une centaine d’appels d’offre auxquels son entreprise a répondu en 2023, le président d’un grand groupe logistique breton estimait à 14 % ceux qui contenaient des conditions liées à la réduction de l’impact environnemental.

Le GIE des Chargeurs Pointe de Bretagne

L’initiative du GIE des Chargeurs Pointe de Bretagne jette un pont vers une logistique renouvelée.
Face à l’augmentation des coûts de transport, la massification est un enjeu fort. A l’initiative d’acteurs agroalimentaires, le GIE est créé en 2012 en Sud-Finistère pour mutualiser des chargements à destination d’un même point de livraison le même jour. Il s’ouvre depuis à d’autres industriels jusque dans les territoires limitrophes à la région.


[1] La Compagnie d’Orléans, opérant l’axe ferroviaire Paris-Orléans, a été la première à créer un « Service Agricole » en 1903 pour promouvoir les techniques agricoles modernes et ainsi augmenter en qualité et en volume les denrées à transporter.

Rédigé par William Guillo

Chargé de mission Économie - Emploi, référent alimentation animale, industries agroalimentaires et commerce extérieur

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