Vers un manque de pommes de terre?
La demande des consommateurs, principalement en pommes de terre transformées est dynamique. La hausse de la production française de pommes de terre en 2023 sera-t-elle suffisante ?
La récolte française de pommes de terre a été catastrophique en 2022, avec un rendement de 39 t/ha. En 2023, le rendement moyen serait proche de la moyenne quinquennale. La pluie de fin de campagne a entraîné des retards dans la récolte. Les volumes s’élèveraient à 6,8 millions de tonnes, en hausse de 12,7 % sur un an grâce à une progression des surfaces (+2,3 %) mais aussi des rendements (43,3 t/ha). Début janvier, il resterait encore, selon l’Union Nationale des Producteurs de Pommes de Terre (UNPT), 2 % des tubercules en terre qui n’avaient pu être récoltés en raison des fortes pluies de fin d’année.
Ceci risque d’avoir un impact sur le marché, d’autant plus que ces surfaces concernent des volumes engagés en contractualisation et aussi des zones de production de semences. De plus, en raison de l’humidité, la qualité et la conservation des lots sont incertaines (pression du mildiou).
Des inquiétudes sur la récolte 2023 dans l’Europe du Nord
La France s’en est finalement bien sortie contrairement à ses voisins du nord-ouest de l’Europe. Alors que la récolte était annoncée à 23,6 millions de tonnes, il restait début décembre 2023, selon le NEPG (Groupe des Producteurs de Pommes de terre du Nord-Ouest Européen) encore 1,4 million de tonnes en terre. Les récoltes sont en recul de 10 % en Belgique, 15 % en Pologne, 7 % en Espagne et 2 % en Italie.
Quelle disponibilité en plants pour 2024 ?
Concernant la production de plants, les surfaces sont en baisse de près de 11 % en France pour la campagne 2023-2024 par rapport à la campagne précédente. Un recul est aussi annoncé au niveau européen (-6,5 %) et plus particulièrement aux Pays-Bas, en Pologne et en Allemagne. De plus, il y aurait d’importants déclassements de plants de pommes de terre. Au final, la disponibilité en plants pourrait reculer de 20 %. Selon les négociants en pommes de terre ce manque de plants certifiés est lié aux retraits de produits de protection des plantes qui augmentent les risques techniques et pèsent aussi sur la capacité de sécuriser la qualité sanitaire.
Une dichotomie de la demande en frais et en produits transformés
Un Français consomme chaque année 50 kg de pommes de terre, dont 19 kg de pommes de terre en l’état et 31 kg de produits transformés (valeur exprimée en équivalent pommes de terre de produits transformés). La demande en pomme de terre fraîche connait un recul régulier depuis le début des années 2000, où les volumes consommés atteignaient près de 25 kg/habitant/an. Le rebond en 2023 n’a pas permis de compenser l’érosion de la consommation qui s’est renforcé pendant les confinements liés au Covid. A l’inverse, la demande en pommes de terre transformées a progressé de 5 kg en plus de vingt ans.
La demande pour l’industrie se confirme
Au niveau de l’UE, la demande en pommes de terre pour la transformation est en hausse en moyenne de 4 %/an. Actuellement les industriels développent la transformation à proximité des zones de production. La France est concernée. En effet, lors de l’Assemblée Générale du Groupement Interprofessionnel pour la valorisation de la Pomme de Terre (GIPT), il a été annoncé la construction de trois nouvelles usines en France, principalement dans le segment des frites surgelées. Les trois projets, situés dans les départements du Nord et de la Somme, sont tous issus d’industriels belges qui envisagent de s’approvisionner essentiellement en pommes de terre françaises. Ce sont au total, 700 000 tonnes supplémentaires de produits élaborés de pommes de terre qui sortiraient à terme des usines françaises.
Source : GIPT
Aujourd’hui près des deux tiers des pommes de terre récoltées en France sont transformées, mais la moitié seulement est élaborée en France. Ces projets vont permettre de transformer sur place une partie des volumes de pommes de terre qui étaient exportés. Cependant, il n’est pas certain que la production française puisse être suffisante pour satisfaire à cette demande industrielle, au moins à court terme. La Bretagne représente seulement 3 % de la production française de pommes de terre de consommation, loin derrière les Hauts-de-France (60 %). Pourra-t-elle quand même contribuer à satisfaire cette demande ?