Réforme de l’assurance chômage : les conséquences sur l’emploi saisonnier agricole et agroalimentaire

La réforme de l’assurance chômage engagée fin 2021 a conduit à un nouveau calcul de l’indemnisation chômage. La main d’œuvre saisonnière, essentielle aux secteurs bretons de l’agriculture et de l’agroalimentaire, sera impactée par cette réforme qui pourrait avoir des conséquences négatives sur certaines productions, en particulier légumières.

Les principes généraux de la réforme

Les modifications portent sur la durée minimale de travail requise pour percevoir une indemnisation et sur la prise en compte des salaires perçus au cours de la période de référence pour le calcul de l’Allocation de Retour à l’Emploi (ARE). Pour les salariés alternant périodes d’activité et périodes de chômage, l’allocation pourra être moins élevée, même si la durée de versement pourra être plus longue. La réforme instaure également une modulation du taux de contribution d’assurance chômage à la charge des employeurs appelée « bonus-malus ».

La réforme vise d’une part, à inciter les salariés à travailler davantage et à réduire l’alternance travail-chômage, et d’autre part, à inciter les employeurs à proposer des contrats de travail plus long et ainsi diminuer la précarité du travail.

Une réforme qui impacte les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire

Les secteurs agricole et agroalimentaire, du fait de la nature de leurs activités (saisonnalité de certaines productions agricoles, produits consommés en période estivale ou lors des fêtes de fin d’année), ont d’importants besoins en main d’œuvre saisonnière. La réforme de l’assurance chômage risque donc d’avoir des conséquences sur l’attractivité du secteur et sur l’accès à la main d’œuvre. C’est pourquoi, à la demande du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, le CGAAER1 a publié un rapport en décembre 2022 pour en analyser les impacts.

Compte tenu du manque de recul sur les conséquences de la réforme, des simulations ont été réalisées à partir des données MSA pour identifier les salariés saisonniers qui seront le plus touchés par la réforme. Les contrats très courts, en-dessous de 6 mois dans les 24 derniers mois, n’ont pas été pris en compte car ils n’ouvrent pas droit à l’assurance chômage. L’impact financier concerne 100 000 saisonniers travaillant entre 3 et 6 mois par an. Il est surtout défavorable pour ceux ayant entre 3 et 4 mois d’activité annuelle. Pour ceux ayant une activité supérieure à 6 mois, l’impact est réduit, voire favorable. A noter que dans certaines situations, l’ARE diminue mais la durée d’indemnisation progresse. Enfin, les saisonniers cumulant 8-9 mois d’activité sont peu impactés par la réforme.

L’accès à la main d’œuvre saisonnière : un enjeu pour la pérennité de certaines filières agricole et agroalimentaire

Le rapport liste également des solutions pour faciliter les recrutements dans des secteurs peu attractifs. Le travail sur l’image des métiers doit aller de pair avec l’amélioration des conditions de travail. Il est également nécessaire de lever les différents freins d’accès à l’emploi : problèmes de logement et de mobilité, incertitude quant à la continuité de la couverture sociale, accompagnement social des saisonniers, notamment des saisonniers étrangers.

Les employeurs doivent s’organiser pour proposer des durées de contrats plus longues, permettant ainsi aux salariés de maintenir un niveau d’indemnisation comparable à celui d’avant la réforme. Avec l’évolution des systèmes qui vont vers davantage de mécanisation, de robotisation et de digitalisation, la tendance est à la réduction de la main d’œuvre saisonnière de courte durée et peu qualifiée, au profit d’une main d’œuvre plus qualifiée. La formation joue un rôle majeur pour accompagner cette évolution. Faute d’agir en ce sens, certaines productions ne seront ni récoltées, ni transformées demain.

Un enjeu pour la Bretagne

La Bretagne est la 3e région française en termes de surfaces légumières et elle occupe la 1ère place pour les productions de choux-fleurs, d’échalotes, d’artichauts, d’épinards et de tomates. Or, les productions légumières ont d’importants besoins en main d’œuvre saisonnière. Ainsi, selon la MSA, en Bretagne en 2021, plus de 38 700 contrats2 ont eu cours en cultures spécialisées (légumes, horticulture, pépinière, arboriculture…), dont 85 % de CDD, ces contrats représentant l’équivalent du travail de 9 640 équivalents temps plein.

L’agriculture bretonne est donc concernée par les conséquences de la réforme de l’assurance chômage. Son impact ne doit pas devenir un élément de plus parmi les facteurs risquant d’entraver le potentiel de production agricole et de transformation agroalimentaire de la région.

Pour en savoir plus, vous pouvez accéder au rapport complet du CGAAER

  1. Le CGAAER (Conseil Général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces Ruraux) accomplit des missions d’audit, d’inspection, de conseil, d’évaluation et d’expertise en réponse à des demandes du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation ou de plusieurs ministres. ↩︎
  2. Contrats en cours au 1er janvier + contrats signés durant l’année ↩︎

Rédigé par Anne Bertagnolio

Chargée de mission Economie - Emploi, référente sur l'emploi et la formation

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