Agroalimentaire : besoins en compétences et métiers en tension

Une enquête nationale auprès d’entreprises agroalimentaires de huit régions françaises (dont la Bretagne) apporte des éléments sur leurs besoins en compétences et sur les métiers en tension. Pour faire face aux besoins croissants des entreprises en ressources humaines et en compétences, des préconisations ont été formulées pour adapter l’offre de formation et développer l’attractivité du secteur.

Plus de la moitié (54 %) des entreprises enquêtées1 connaissent une croissance de leur activité et les deux tiers anticipent une augmentation de leurs effectifs dans les prochaines années. Mais en même temps, elles estiment que les deux facteurs qui vont le plus influencer leur activité sont, d’une part, le manque de compétences et de candidats, et d’autre part, l’augmentation très significative des coûts de l’énergie et des matières premières, fournitures et composants. Le manque de main d’œuvre pourrait donc constituer un frein au développement de l’activité du secteur.

Bretagne : tension pour 100 % des postes en maintenance

Dans l’étude, les emplois considérés comme en tension sont ceux pour lesquels beaucoup de recrutements sont prévus mais avec de fortes interrogations sur la capacité des bassins d’emploi à pourvoir ces besoins, que ce soit en termes de mobilité interne ou de recrutement externe. Dans les industries agroalimentaires, les tensions sont particulièrement importantes pour les métiers de la maintenance (67 %), les pilotes de ligne (58 %) et les opérateurs de production (44 %). En Bretagne, ces difficultés sont encore plus fortes pour ces métiers avec des taux de respectivement 100 %, 74 % et 67 %.

Les fonctions « tertiaires » sont beaucoup moins confrontées à ces problématiques, avec de l’ordre de 10 à 15 % d’emplois difficiles à pourvoir dans les fonctions administratives, commerciales, marketing ou qualité.

Soft skills : 73 % des compétences attendues

Parmi les compétences attendues par les entreprises, ce sont les compétences transversales comportementales (ou softs skills2) qui arrivent largement en tête des critères de sélection avec une part de 73 %. Les compétences techniques ne représentent que 13 % des compétences recherchées. Les capacités d’apprentissage sont à 7 %, comme les compétences en management.

Les capacités d’apprentissage, puis la rigueur, sont les capacités les plus importantes selon les opérateurs de production et les opérateurs de conditionnement. Pour les pilotes de ligne, les compétences techniques arrivent en premier, suivi de près par les capacités d’apprentissage, de collaboration et la rigueur. Quant aux métiers de la maintenance, les compétences techniques sont fortement mises en avant, mais les facultés d’analyse et la capacité à collaborer sont également des critères importants.

De multiples freins au recrutement

Lors des recrutements, les difficultés identifiées par les entreprises sont d’abord la concurrence intersectorielle (14 % des réponses), suivi de près par la visibilité de l’entreprise (13 %). Arrivent ensuite, le rythme de travail, la mobilité demandée aux candidats, l’image de l’agroalimentaire, les conditions de travail (12 % pour chaque motif), puis les salaires proposés (11 %). Le volume des candidats et le profil des candidats sont chacun à 7 % des motifs de freins au recrutement.

Proposition d’un plan d’action

Les tensions sur le marché de l’emploi que connaissent les entreprises agroalimentaires ne sont pas spécifiques à ce secteur. Dans cette concurrence intersectorielle, l’agroalimentaire doit agir pour attirer et fidéliser. Deux axes de travail se dégagent particulièrement : l’amélioration de la formation des agents et le développement d’une marque employeur filière.

La formation des salariés en poste doit s’adapter pour offrir davantage de flexibilité. Cela passe par la mise en place de formations en micromodules, avec des durées courtes, reconnaissant l’expérience des salariés et intégrant le développement des soft-skills. Cela passe aussi par des formations mutualisables entre plusieurs métiers agroalimentaires, favorisant ainsi la polyvalence et les passerelles métiers. Compte tenu des contraintes de disponibilité et de mobilité des collaborateurs, il s’agit aussi de développer la formation dans les locaux des entreprises, ainsi que sur le poste de travail. Les diplômes et certifications existantes sont à retravailler pour proposer des formations plus courtes, avec plus de temps passé en entreprise, des modalités pédagogiques moins scolaires, et avec des possibilités d’adaptation des programmes.

En parallèle, l’agroalimentaire aurait tout intérêt à développer une marque employeur filière pour attirer de nouveaux collaborateurs. L’objectif serait de faire connaître le secteur et la palette des métiers existants, de partager une culture commune de l’agroalimentaire sur les opportunités de carrière et de formation et enfin de promouvoir les parcours professionnels et les passerelles métiers.

Des tensions croissantes en Bretagne

Les tensions sur le marché du travail se sont largement durcies ces dernières années. Le chômage en Bretagne est au plus bas avec un taux de 5,8 % au deuxième trimestre 2023 (7,2 % au niveau national)3. Et la concurrence intersectorielle s’est accrue : en 2023, 17 secteurs d’activité, sur un total de 24, anticipaient des difficultés pour plus de 60 % de leurs projets de recrutement. En 2015, cela ne concernait que deux secteurs4.

Dans l’agroalimentaire, les difficultés de recrutement ne datent pas d’hier. Le peu de succès des formations spécifiques aux métiers du secteur en est une des illustrations. En 2022, seulement 300 jeunes bretons se préparent par la voie scolaire aux métiers de la transformation alimentaire5 ; et leur nombre tend à diminuer au fil des années puisqu’ils étaient 460 en 2004. Pour pallier au manque de candidats disposant des compétences techniques, mais aussi pour accompagner les nécessaires transformations des entreprises et soutenir la transition vers les emplois de demain, les employeurs s’attachent de plus en plus aux compétences comportementales de leurs futurs salariés. C’est ensuite, en proposant des formations ad hoc aux salariés, que ces derniers peuvent acquérir la technicité requise.

Pour en savoir plus, retrouvez :

  1. Les résultats sont issus de l’étude nationale Diagnostic des compétences territoriales pour l’industrie agroalimentaire (DICTIA) portée par de Réseau des ARIA de France. Ce travail a été réalisé dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt « Compétences et métiers d’avenir » qui vise à répondre aux besoins des entreprises en matière de formations et de compétences nouvelles pour les métiers d’avenir. Un travail d’enquête a été réalisé dans huit régions françaises, dont la Bretagne. Ce sont 203 entreprises agroalimentaires et 46 organismes de formation qui ont répondu à un questionnaire. ↩︎
  2. Les soft skills sont les compétences comportementales : intelligence relationnelle, capacités de communication, caractère, aptitudes interpersonnelles. Parmi les soft skills, on peut citer l’autonomie, la flexibilité et la capacité d’adaptation, la résolution de problèmes complexes, l’esprit critique, la curiosité, la créativité, l’esprit d’équipe, l’intelligence émotionnelle, le jugement et la prise de décision, le sens du service, l’écoute, la capacité de négociation, le respect. ↩︎
  3. Source : Insee, taux de chômage localisé ↩︎
  4. Source : Pôle emploi, enquêtes BMO (besoins en main d’oeuvre) ↩︎
  5. Source : Données statistiques sur l’enseignement agricole en Bretagne, Rentrée 2022 – DRAAF – SRFD – Mai 2023 ↩︎

Rédigé par Anne Bertagnolio

Chargée de mission Economie - Emploi, référente sur l'emploi et la formation

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