Au SIAL, l’avenir de l’alimentation mondiale se dessine.
Pour ses 60 ans, le plus grand salon mondial d’alimentation qui s’est tenu du 19 au 23 octobre 2024 a réuni à Paris 285 000 professionnels. Cette année, le Salon International de l’Alimentation a mis en avant trois tendances qui façonnent les innovations alimentaires d’aujourd’hui et de demain : l’Émotion, le Lien et l’Attention. Si ce choix illustre le goût pour de nouvelles expériences, il affirme la place de notre santé comme moteur d’achat.
Alors que l’édition 2022 regorgeait de nouveautés agroalimentaires en tous genres (voir notre article), le SIAL 2024 nous a donné à voir un tout autre visage. L’impression qui s’en dégage est celle d’un coup de frein mis sur l’innovation, victime collatérale de l’inflation. Le regain d’investissement en recherche et développement cette année permettra peut-être à l’édition 2026 de renouer avec le foisonnement de nouveautés habituel.
Donner à voir la face cachée de notre alimentation
En attendant, c’est notamment sur le terrain de l’Attention – une des trois principales tendances de cette année – que cela se joue. Le désir de prendre soin de soi par le biais de son assiette rencontre un fort écho dans la population. Son corollaire, la méfiance, devient une norme chez les consommateurs.
La mise à disposition et l’authentification de l’information sur les produits alimentaires est donc un enjeu-clé. Les divers étiquetages (nutritionnels, environnementaux,…) en constituent pour l’instant la face visible. Mais l’arrivée de la blockchain – technologie sécurisée de stockage et de transmission d’informations – dans l’industrie agroalimentaire est un marqueur fort. Cette technologie était proposée sur le salon par la start-up parisienne B4Food. Si elle se déploie, cette innovation consolidera les démarches de transparence des filières et modèlera encore davantage les relations entre les agriculteurs et l’aval.
Depuis 2020, via un QR code, Lu vous permet de tracer son Véritable Petit Beurre grâce à la blockchain. Grâce à un outil de visualisation sur mobile, vous obtenez des informations sur les différents maillons qui ont contribué à la fabrication du paquet que vous tenez entre les mains (© Lu Mondelez)
L’innovation par la sobriété en végétal
Les entreprises de l’alimentation végétale prennent à bras le corps l’enjeu de la confiance. Loin de la débauche d’innovations d’il y a deux ans, le nouveau mot d’ordre est la simplicité. Cela s’en ressent dans les recettes : les listes d’ingrédients se raccourcissent et les substituts sont priés de laisser la place au « naturellement végétal ».
Les substituts n’ont toutefois pas dit leurs derniers mots : certains sous-secteurs comme celui du simili-poisson en sont encore à la phase exploratoire. Nous y retrouvons par exemple du simili-saumon fumé à base de pois jaune, ingrédient-roi du secteur. Les substituts aux produits de la mer sont cependant loin d’égaler leurs homologues de la viande tant l’offre et donc les ventes sont limitées dans la grande distribution.
Le monde dans notre assiette : les Cultures au service du commerce extérieur
Pour certaines délégations, le Sial était l’endroit où montrer ses muscles. La confirmation de l’Italie à la première place du podium des pays exposants (devant la France !) a fait grand bruit. Mais rien de si étonnant à cela tant les entreprises agroalimentaires du pays ont l’habitude de « chasser en meute ». L’Italie joue à plein la carte de la qualité grâce à ses 845 signes de qualité et d’origine et la volonté d’inscrire sa cuisine au patrimoine mondial de l’Unesco, des éléments-clé de la « gastro-diplomatie » très agressive de son gouvernement.
Venant de l’autre côté du globe, la Corée du Sud s’est exposée à tous les regards. Sa K-Food conquiert les tablées mondiales après le passage du rouleau compresseur de l’industrie du divertissement coréenne et de son porte-étendard musical : la K-Pop. Aujourd’hui, à côté du kimchi désormais bien connu des adeptes de la fermentation pour ses promesses santé, des produits plus méconnus font leur apparition. Citons le topokki – bâtonnets de farine de riz enrobés dans une sauce épicée issus de la cuisine de rue et popularisé par la série-phénomène Squid Game de Netflix – qui surfe sur la vague du nomadisme culinaire.
La Bretagne n’est pas en reste
Face à ces enjeux, et aux nombreux autres que brasse le salon (plaisir, convivialité, tradition et authenticité, inflation, alimentation fonctionnelle, praticité,…), la tâche s’annonce immense pour l’industrie agroalimentaire bretonne pour s’adapter.
Un détour par le pavillon de la Bretagne donnait cependant à voir des solutions proposées par certaines entreprises adaptant des spécificités et spécialités bretonnes et françaises à de nouvelles attentes de consommateurs. Les chips Bret’s sont un exemple emblématique, mais citons la biscuiterie morbihannaise La Trinitaine et ses petits beurres « clean label », la start-up quimpéroise Nüri et sa terrine vegan ou les produits à base d’algue des vannetais Zalg. Leur montée en puissance ou leur échec dépendra grandement de la capacité des filières à soutenir ces initiatives dans une compétition internationale ardue.