Négociations commerciales 2024 : un accouchement dans la douleur

Un nombre de contrats signés dans les temps décevant, de nombreuses saisines du Médiateur, des menaces de retraits de produits… Les « négo » ont rarement été si difficiles, alors même que le gouvernement espérait qu’elles se solderaient par une diminution nette de l’inflation.

Les délais des négociations commerciales difficiles à tenir

Au 1er février, les premiers retours des industriels faisaient état d’un taux de signature allant de 30 à 50 %, et ce s’accompagnant d’un écart important entre les enseignes. Interrogés par le magazine LSA, Jean-Philippe André et Richard Panquiault, respectivement à la tête de l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) et de l’Institut de liaison des entreprises de consommation (ILEC), relevaient cette situation anormale en la justifiant notamment par ce raccourcissement forcé des négociations par Bercy, et par l’ouverture de nombreuses centrales d’achat au niveau européen.

L’impact de ces dernières semble en effet se confirmer (voir notre précédent article ci-dessous) : de par leur implantation à l’étranger, il semblerait que les enseignes telles que Carrefour ou Leclerc se permettent de jouer les prolongations, prenant davantage le temps de négocier avec les industriels concernés et ne s’astreignant pas à respecter la date butoir imposée par la France. Les règles françaises sur les prix sont cependant censées s’appliquer malgré tout, même en cas de négociations délocalisées à l’étranger.

L’Ilec, qui espérait obtenir une augmentation de l’ordre de 5 % sur les produits de ses entreprises adhérentes (telles que Bonduelle, Aoste, Lindt ou encore Laïta), a reconnu que les négociations avaient été particulièrement difficiles cette année. Face à des acteurs de la grande distribution déterminés à laisser l’inflation derrière eux, les industriels peinent plus que jamais à justifier leurs besoins d’augmentation tarifaire. Se défendant de profiter de cette crise pour augmenter leurs marges, ils assurent au contraire vouloir respecter la rémunération des matières premières agricoles (Philippe André, président de l’Ania)

2 à 3 % d’inflation supplémentaire en vue pour 2024

Si les prix des produits à base de céréales, des huiles végétales, des produits de charcuterie, du porc, des eaux minérales et des produits d’hygiène devraient baisser cette année, d’autres produits vont quant à eux voir leurs prix augmenter, parfois jusqu’à 20 % supplémentaires. C’est le cas notamment des fruits et légumes, de certaines huiles (dont l’huile d’olive), du cacao ou du jus d’orange.

Les consommateurs risquent à nouveau de revoir leur consommation à la baisse. C’est en tout cas ce qu’estime le nouveau baromètre Wavestone, paru fin janvier, après avoir sondé un échantillon de Français : 32 % d’entre eux ont indiqué qu’ils voulaient réduire leur consommation alimentaire cette année.

Loi Egalim : toujours adaptée ?

Sur 1 000 contrats signés au 31 janvier 2024 puis contrôlés par Bercy, 124 ne respectaient pas Egalim. Cet échantillonnage permet d’estimer à 12 % le niveau de contournement de cette loi, jugée inapplicable par certains.

En outre, 59 saisines du Médiateur des relations commerciales ont été relevées ; soit un chiffre stable par rapport à l’année dernière, mais qui cache un phénomène nouveau : 12 saisines portent en effet sur la rupture de contrats, liée à une absence d’accord à la date butoir. Les menaces de retrait de produits des rayons sont en effet allées bon train. Pour autant, les conditions de ruptures de contrat restent encadrées par la loi.

Malgré les dysfonctionnements relevés, et le fait que son périmètre d’application ne concerne pas toutes les productions (tels que les fruits et légumes), Egalim semble demeurer la piste privilégiée par le gouvernement pour répondre à la crise du monde agricole. Ce mercredi 21 février, Gabriel Attal déclarait qu’une mission parlementaire allait être ouverte pour identifier comment renforcer Egalim et encadrer davantage la construction des prix en marche avant (LSA, 21/02/2024) et, élément indispensable, ramener les coûts de production au cœur de la construction des prix. Un Egalim européen a également été abordé par le Premier Ministre.

Nul doute que la question du revenu agricole sera au centre des questions pendant encore plusieurs mois, et ce jusqu’aux élections européennes.

Rédigé par Maélie Tredan

Chargée de mission Economie - Emploi, référente distribution, consommation et signes officiels de qualité

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