Multiplication des offres agroalimentaires végétales : la Bretagne concernée

L’offre de produits d’origine végétale a aujourd’hui sa place sur le marché. Celui-ci rassemble à la fois les substituts aux produits d’origine animale (lait, viande) et des plats préparés végétariens. Pour les boissons – secteur avec l’offre végétale la plus implantée -, elle représente déjà 8,8 % du marché total. Ces nouveaux marchés pourraient s’installer sur un temps long. Dans ce contexte, nous avons pu rencontrer douze industriels de l’agroalimentaire, majoritairement en Bretagne. L’analyse de ces échanges confidentiels permet de comprendre leur positionnement vis-à-vis de ce marché et certaines de leurs stratégies, afin d’anticiper les potentiels impacts sur l’agriculture bretonne.

Les productions végétales concernées

Lors des entretiens, nous avons pu recenser 21 espèces végétales utilisées comme matières premières : soja, pois, féverole, lin, lupin, chanvre, riz, avoine, épeautre, sarrasin, pois chiche, blé, maïs, lentille, seigle, noix de cajou, millet, haricot blanc, haricot rouge, algue et tournesol. Pour l’échantillon de structures interrogées, le pois est le plus cité, suivi du soja, du pois chiche et du tournesol. À noter que certains acteurs refusent le soja pour diverses raisons, parmi lesquelles sont citées : « des risques de perturbations endocriniennes », « son goût et sa texture », « sa production difficile en Bretagne ».

Faire sa place sur un marché concurrentiel

Certaines structures interrogées, positionnées initialement sur les productions d’origine animale, se sont développées sur le marché du végétal à différentes échelles de stratégie et de temps. Par exemple, le positionnement est plus prépondérant au sein de l’entreprise Olga et plus récent pour les coopératives Cooperl et Eureden.

Si d’autres – comme La Vie, Hari&Co ou Kokiriki – se sont créés uniquement autour des produits végétaux, toutes les entreprises enquêtées ont pour objectif de trouver une place sur ce marché concurrentiel, à la fois innovant et diversifié.

Gamme de produits Kokiriki

En effet, selon une étude Fairr, 40 % des géants de l’industrie agroalimentaire possèdent des équipes dédiées aux protéines végétales. Ce chiffre corrobore la croissance importante du nombre de start-ups utilisant des protéines issues d’oléo-protéagineux en 2019, en France comme à l’international.

Lancements des start-ups utilisant des protéines issues d’olé-protéagineux entre 2007 et 2021,
Terres Univia – OléoProtéines

En 2022, le soja suivis du pois sont les matières premières les plus travaillées par les start-ups, avec des innovations principalement tournées vers des alternatives à la viande.

Pour certains acteurs, cette concurrence génère une redistribution des parts de marché notamment avec la présence de nouveaux produits dans les rayons de Grandes et moyennes surfaces (GMS). Pour d’autres, la concurrence est utile, source de diversité, et complémentaire pour démocratiser le marché du végétal au grand public.

Par ailleurs, à terme, les distributeurs pourraient demander une alternative végétale en complément de l’offre de produits d’origine animale, pour répondre aux attentes des consommateurs.

Valorisation et juste prix de la matière première

Nous l’avons vu au travers des entretiens, de nombreux produits d’origine végétale sont le résultat de plusieurs étapes de transformation. Ainsi, le risque n’est-il pas de donner davantage de valeur à la transformation et à l’assemblage des ingrédients plutôt qu’aux matières premières ? Cela pourrait impacter la viabilité économique pour les agriculteurs, premier maillon de cette chaîne.

L’image de l’agriculture bretonne a déjà pâti d’une stratégie de production de volumes importants et de recherche d’économies d’échelle, notamment dans le secteur de la viande. Cette stratégie a pu en partie impacter la rentabilité de ce secteur. L’enjeu du végétal est de réussir à répondre aux enjeux environnementaux, sociétaux en valorisant une production agricole locale, de qualité et avec un prix rémunérateur pour l’agriculteur.

Il faut aussi écouter le consommateur qui semble choisir les produits transformés avec parfois peu d’exigence sur leur composition mais davantage d’attentes de praticité. La question de suivre les attentes du consommateur plutôt que celles du citoyen peut être posée au vu des enjeux économiques, sociétaux et environnementaux actuels.

Comment les filières bretonnes s’y préparent t’elles ?

Une partie des matières premières utilisées est importée en raison d’un manque de disponibilité en France et d’un prix de marché plus avantageux, soit 82 % de la consommation nationale de lentilles et 79 % du soja. La Bretagne a tout de même des atouts à faire valoir, notamment avec sa participation à l’exportation de pois et de pois chiches. La Chambre d’agriculture de Bretagne travaille au développement de cultures riches en protéines végétales dans sa station expérimentale de Kerguéhennec (Morbihan), où par exemple des essais sur l’acclimatation du soja sont menés.

Depuis 2020, l’association LEGGO (Bretagne, Centre-Val de Loire, Pays de Loire et Normandie) a pour but de soutenir le développement d’une filière légumineuse tant du point de vue commercial avec la contractualisation et la rentabilité économique, que technique.

Pour Jean-René Menier, Président de l’association LEGGO, l’objectif est de diversifier les cultures tout en respectant une pérennisation de la production et la fidélisation des producteurs. Pour cela, LEGGO mise sur la contractualisation et le consentement à payer.

Produire oui, c’est possible d’un point de vue technique et climatique, mais on ne lancera pas les producteurs si la rémunération derrière n’est pas assurée. Dès lors qu’on produit pour l’alimentation humaine, la rémunération doit couvrir la production et la prise de risque. Le consentement à payer est donc nécessaire pour lancer la production.

Jean-René Menier

Au-delà de la rémunération, Jean-René Menier évoque l’importance donnée par LEGGO aux conditions techniques et logistiques. L’association propose des démonstrateurs territoriaux pour accompagner au mieux la mise en place et le suivi de nouvelles cultures et ainsi assurer leur pérennité. En plus d’une réponse technique, l’association souhaite garantir une meilleure logistique en encourageant les acteurs à travailler ensemble. Mutualiser les sites de collecte, de triage, semble pertinent.

Il faut encourager et apprendre à se faire confiance et à travailler ensemble.

Jean-René Menier

Concernant le choix des légumineuses, le Président de LEGGO met en avant les attentes des consommateurs, davantage tournées vers le pois chiche, le soja et la lentille, et les capacités d’adaptation climatiques de la Bretagne. Il suffit de regarder les cultures du sud de la Loire qui seront adaptées aux conditions climatiques de la Bretagne dans une dizaine d’années.

Rédigé par Clara Le Mouel

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