Des groupes agro-alimentaires en quête de croissance

La concentration économique est une tendance de fond à laquelle le secteur agro-alimentaire n’échappe pas. Pour les plus grands groupes, elle constitue un enjeu incontournable pour se maintenir et perdurer. L’exemple de la coopérative Eureden éclaire la situation.

L’agriculture et l’industrie agroalimentaire contribuent à une grande partie de la richesse générée sur le territoire breton. L’évolution de leur structuration économique est donc un enjeu-clé pour l’avenir de notre région.

Un secteur qui se concentre

Dans les secteurs agricoles et agroalimentaires, les fusions-acquisitions s’enchaînent à un rythme soutenu : « […] 130 opérations en 2022 [106 en 2021] dans le secteur de l’agro-alimentaire impliquant au moins une contrepartie française (acquéreur ou cible) »[1].
Dans son étude, Auris Finance constate que :

Près de la moitié des opérations ont impliqué au minimum un fonds d’investissement, en hausse par rapport à 2021. Cela témoigne de l’appétence de ces fonds pour le secteur.

Les opérations France-France couvrent les deux-tiers de ces fusions-acquisitions.

Les secteurs les plus dynamiques sont :
Pains-biscuits-pâtisseries-confiseries (11,5% des opérations)
Boissons alcoolisées (8,5%)
Produits salés (7,7%)

En 2022 pour notre région, nous pouvons notamment citer les acquisitions de :

  • CFAO Agri Kenya (Production et distribution de fertilisants) par Timac Agro (Groupe Roullier) en février ;
  • Lecoq Cuisine (États-Unis) (Viennoiserie-boulangerie-pâtisserie à la française) par le groupe Le Duff en juillet ;
  • Soframa Holding (France) (Distribution de produits alimentaires restaurateurs et aux professionnels des métiers de bouche) par le groupe Even en juillet.

En 2023, évoquons les négociations en cours d’Avril-Sanders pour récupérer les activités de nutrition animale de Soufflet Agriculture et d’Axéréal, de même que les filières volaille de chair et œuf de consommation de ce dernier ; ainsi que le rachat d’Ovofit (Allemagne ; fabrication et commercialisation de produits élaborés d’œufs) par Eureden en août.

Atteindre la taille critique

Pour les plus grandes organisations françaises, ces acquisitions peuvent viser l’obtention d’une « taille critique » pour exister à l’international et rattraper leurs homologues européens. Une dynamique que les pouvoirs publics français accompagnent via la création, en mars 2023, d’un fonds de capital-développement de 500 millions d’euros pour soutenir la croissance externe et l’investissement interne des acteurs agroalimentaire.

Selon Olivier Frey, consultant spécialisé dans les coopératives agricoles « Après les mouvements massifs de ces dernières années, les grands pôles sont désormais consolidés en France ». Dorénavant, les absorptions seraient plus ciblées « les petites coopératives qui ne font pas de transformation devraient avoir rapidement besoin de s’adosser à des gros » [2]. Un argument invoqué quasiment mot pour mot par les dirigeants d’Axéréal pour justifier leur rapprochement d’Avril [3].

Eureden : une croissance dans l’intérêt des adhérents

Pour Serge Le Bartz, président d’Eureden, l’objectif est « la défense des intérêts des adhérents » en allant « aussi chercher de la valeur hors de la Bretagne ».

Les acquisitions, qu’elles aient été conclues avant la fusion de D’Aucy et Triskalia ou qu’elles soient récentes, donnent la capacité de se projeter à l’international sur les métiers du groupe. C’est le cas de Globus, conserverie de légumes en Hongrie, qui lui permet d’accéder au marché de l’Europe de l’Est tout en limitant la concurrence venant de ces pays sur le marché français. L’exploration hors Bretagne permet aussi de rapatrier des innovations alimentaires et de renforcer les liens avec les clients en proposant des gammes complètes.

Enfin, la sécurisation des approvisionnements est un enjeu à double titre : il s’agit de se prémunir des aléas météorologiques locaux, en répartissant les risques avec des outils du Centre et du Sud de la France et espagnols complémentaires des outils bretons, et de garantir les livraisons aux clients. « A la mise en place d’Eureden, un travail de prospective indiquait une baisse des volumes de production agricole, nos clients n’y croyaient pas ». La grande distribution, confrontée à de forts taux de rupture dans ses linéaires, a intégré cette nouvelle donne et conclut maintenant des contrats sécurisants et durables avec Eureden.

« Sur les métiers de la coopérative qui ne sont pas aboutis en filière complète, comme la volaille de chair ou le lait, nous privilégions les partenariats ».


[1] Les principales transactions dans le secteur agroalimentaire en 2022, Auris Finance, 05/02/2023
[2] Les coopératives agricoles en quête de taille critique, Le Figaro, 04/10/2022
[3] Sanders en négociation pour reprendre les activités nutrition animale d’Axéréal, Réussir.fr, 03/05/2023

Rédigé par William Guillo

Chargé de mission Économie - Emploi, référent alimentation animale, industries agroalimentaires et commerce extérieur

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