Analyse de l’accord commercial entre l’Union Européenne et la Nouvelle-Zélande

L’accord entre l’UE et la Nouvelle-Zélande a été conclu le 30 juin 2022 après 5 années de négociations. Le volet agricole et agroalimentaire devrait, selon ses approbateurs, créer de nouvelles opportunités pour les agriculteurs et les industries agroalimentaires européennes : autrement dit, le marché néo-zélandais sera plus facile à conquérir. Qu’en est-il réellement ? Nous décryptons pour vous le contenu et les impacts de cet accord.

Consommateurs et acteurs des filières agricoles réticents envers l’accord 

Ces dernières années, l’opinion publique exprime des réticences envers le libre-échange, au vu de ses conséquences sur l’emploi, sur l’environnement, mais également sur l’autonomie alimentaire, conséquences particulièrement mises en exergues durant la crise sanitaire et la guerre en Ukraine.

De même, la Fédération Nationale des Industries Laitières (Fnil) et l’Ania (Association Nationale des Industries Agroalimentaires), qui représentent notamment 50 000 acteurs de la filière laitière, s’inquiètent d’une concurrence déloyale des produits néo-zélandais qui n’auraient pas les mêmes exigences professionnelles environnementales, climatiques, sociales ou en matière de bien-être animal. La FNB (Fédération Nationale Bovine) réclame également que les viandes bovines soient « produites dans le strict respect des normes d’élevage européennes en matière de traçabilité, de bien-être animal et d’utilisation de médicaments vétérinaires et des produits phytosanitaires. »

Selon l’Ania et la Fnil, l’accord sert surtout à trouver de nouveaux débouchés pour la Nouvelle-Zélande dont les exportations vers la Chine, son premier partenaire, sont en perte de vitesse. Et il est vrai que les exportations néozélandaises vers l’UE sont principalement dominées par les produits agricoles tandis que les exportations européennes vers la Nouvelle-Zélande sont principalement des produits manufacturés. La question est donc de savoir si l’accord est une opportunité ou un danger pour l’agriculture européenne.

Concurrence déloyale entre les deux pays ?

Les produits alimentaires, de l’agriculture et de la pêche devront respecter les standards européens. Ainsi, les normes de sécurité alimentaire, les normes pour la santé animale et végétale devront être respectées, en particulier concernant les organismes génétiquement modifiés (OGM), les niveaux maximums de résidus de pesticides ou les médicaments vétérinaires. Pour y veiller, un système de contrôle « robuste », selon les textes de l’accord, sera mise en place. Par ailleurs, l’UE sera libre de prendre des mesures pour la santé des citoyens suite à l’accord : nouvelles lois, principe de précaution si nouveau produit, etc.

Les sympathisants de l’accord le défendent par le fait qu’il inclut les règles sur le respect de l’Accord de Paris sur le climat, les normes de travail de l’OIT, la protection de la vie marine. Ainsi, les deux pays réclament le respect de normes environnementales, climatiques et sociales.

Toutefois, a priori, respecter les standards européens ne signifie pas que les entreprises néo-zélandaises ont les mêmes contraintes de production. Autrement dit, elles n’ont pas forcément les mêmes obligations réglementaires que les entreprises européennes à la production. Par exemple, le chargement moyen par exploitation était de 2,8 vaches laitières en moyenne par hectare lors de la saison 2011-2012 en Nouvelle-Zélande. Il était entre 1 et 2 en France suivant les régions. Les coûts de production pourraient ainsi être plus importants en France, et ce alors que les exploitations dites « fermes usines » plus présentes en Nouvelle-Zélande sont boycottées par des citoyens et des associations françaises.

De même, peut-on prôner le volet environnemental quand des denrées alimentaires vont parcourir des dizaines de milliers de kilomètres en bateau ? D’autant plus quand ces denrées peuvent être produites en Europe ?

Les denrées alimentaires européennes possédant des IGP seront également protégées en Nouvelle-Zélande

En plus de la réduction tarifaire, l’accord protège tous les vins et spiritueux de l’UE soit environ 2 000 noms dont le Champagne. De plus, la Nouvelle-Zélande s’engage à protéger les Indications Géographiques (IG) de 163 des produits les plus renommés de l’UE (notamment le Comté). L’accord inclut également les opportunités d’ajouter de nouvelles IG dans le futur. Aucune entreprise néo-zélandaise ne pourra donc plus nommer son fromage « Roquefort », « fromage type Roquefort », « fromage style Roquefort », etc. Les produits IG européens seront donc mieux valorisés en Nouvelle-Zélande.

Des exceptions : les secteurs européens dits « sensibles » seront protégés notamment grâce à des quotas d’importations

A noter que l’accord prétend protéger les secteurs européens dits « sensibles ». Dans certains cas, les droits de douanes ne sont plus supprimés, mais simplement réduits pour des volumes définis. Ces contingents tarifaires seront introduits progressivement à compter de l’entrée en vigueur de l’accord pour atteindre le volume prévu au bout de sept ans.

  • Viande bovine : les droits de douanes sont abaissés à 7,5 %, le quota est de 10 000 tonnes et est limité au bœuf de haute qualité nourri à l’herbe, dont les coûts de productions et de commercialisation sont plus élevés. Le contingent tarifaire pour la viande bovine ne représente que 0,15 % de la consommation de l’UE.
  • Viande ovine : mise en place d’un quota de 38 000 tonnes détaxées.
  • Poudre de lait : mise en place d’un quota de 15 000 tonnes avec un droit de douane NPF de 20 %. Cela représente 1,3 % de la consommation de l’UE.
  • Beurre : le contingent tarifaire passera progressivement de 47 177 tonnes à 38 % de douanes NPF à 21 000 tonnes à 5 % soit 0,71 % de la consommation de l’UE.
  • Fromage : mise en place d’un quota de 25 000 tonnes détaxées soit 0,27 % de la consommation de l’UE.
  • Lactosérum : 3 500 tonnes détaxées.
  • Maïs : 800 tonnes détaxées.
  • Ethanol : 400 tonnes détaxées.
Evolution des exportations bretonnes à destination de la Nouvelle-Zélande

La Nouvelle-Zélande n’est pas un partenaire commercial très important pour les Bretons. Avec 2,46 millions d’euros exportés en 2021, elle représente moins de 0.05 % de la valeur des exportations totales bretonnes (à la 93e place des importateurs de produits bretons). A noter toutefois que les exportations sont en hausse de 11 % par rapport à l’année 2020. Parmi les produits exportés :

  • Pain, pâtisseries et viennoiseries fraiches (27 % de la valeur des exportations bretonnes vers la Nouvelle-Zélande en 2021)
  • Produits laitiers et fromages (20 %)
  • Produits à base de viande (13 %)
  • Boissons rafraîchissantes ; eaux minérales et autres eaux en bouteille (11 %)

De la même manière, les importations bretonnes en provenance de Nouvelle-Zélande ne représentent que 0.2 % des importations totales de la région. La Bretagne importe principalement :

  • Viandes de boucherie et produits d’abattage (36 % de la valeur des importations bretonnes depuis la Nouvelle-Zélande en 2021)
  • Préparations et conserves à base de poisson et de produits de la pêche (31 %)
  • Produits laitiers et fromages (19 %)
  • Autres cultures non permanentes (12 %)

La balance commerciale bretonne est négative avec une différence de 4.1 millions d’euros. Cela ne représente que peu de déficit pour la Bretagne au regard des 1.4 milliard d’euros d’excédent commercial de la Bretagne en 2021.

Rédigé par Florian Martial

Chargé de mission Economie - Emploi, référent industries agroalimentaires et commerce extérieur

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