Des signes d’éclaircies pour la distribution bio

Après être passée par une zone de fortes turbulences, les ventes de produits alimentaires bio donnent des signes de redressement. En première ligne, le réseau de la distribution spécialisée bio a su s’adapter pour garder le cap.

En cette seconde partie d’année 2024, des rumeurs font état d’une meilleure forme de la bio (lire notre tour d’horizon de la production).
Dans le domaine de la distribution, plusieurs indices permettent en effet de l’affirmer :

  • En hypermarchés, les produits de grande consommation bio évoluent mieux en volumes que leurs équivalents conventionnels (-1,8 contre -3 % entre septembre 2023 et 2024). Les produits d’épicerie et le frais libre-service portent les ventes qui étaient en recul depuis trois ans.
  • Les magasins spécialisés bio (MSB) ont vu leur chiffre d’affaires augmenter de 7 % de janvier à septembre 2024 par rapport à la même période en 2023 (à relativiser après deux années de chute).
  • La vente directe affiche une hausse de 3 % de CA sur le premier semestre 2024.

La grande distribution reste toujours largement dominante dans l’offre bio en France. Cependant, l’embellie est à mettre au crédit du secteur des magasins spécialisés bio (MSB) qui récoltent aujourd’hui les fruits de leur travail.

La distribution spécialisée bio a dû s’adapter

Le réseau de la distribution spécialisée bio français a payé cher la déconsommation de produits bio. En effet, le nombre de magasins s’est effondré à l’échelle nationale (-10 % entre 2022 et 2024). En Bretagne, la baisse est équivalente sur la même période. Le client historique venant auparavant y chercher des produits premium, est lui aussi descendu en gamme. De plus, la consommation à domicile prédomine sur la restauration hors domicile (respectivement 91 % et 9 % des débouchés en valeurs pour les produits bio). Cette spécialisation est un handicap supplémentaire au moment où les Français choisissent de consacrer une plus grande part de leur budget dans les sorties.

Sommées de réagir, les entreprises ont revu leur copie pour s’adapter à ce nouveau contexte. Parmi les mesures prises :

  • les équipes ont été réduites,
  • des magasins ont été fermés dans des zones de trop forte densité en offre bio,
  • des procédures de redressement judiciaire ont été engagées,
  • l’offre a été revue (produits, gammes (dont MDD), prix, marges),
  • le parcours client a été soigné,
  • la communication a été accentuée au niveau collectif (campagne Bio Réflexe) comme individuel.

La distribution spécialisée bio récolte les fruits de son travail

Notons que le travail sur les prix a permis de contenir l’inflation. Cela se retrouve dans les fruits et légumes, rayon d’appel des MSB. Globalement, ceux-ci sont 10 % moins chers qu’en GMS selon une enquête récente. Cela peut atteindre 30 % en pleine saison (cas des tomates en août par exemple). Sur le lait, les œufs et les jus de fruits, la différence pouvait aller du simple au double entre février 2022 et août 2023 (article).

Cet avantage comparatif se conjugue avec la baisse de l’inflation sur les autres postes de dépenses des Français. De plus, la fréquentation des MSB bénéficie du transfert de consommateurs bio depuis les GMS, en raison de leur stratégie de déréférencement (-11 % de références bio en 2023).

En Bretagne, l’heure est à un relatif optimisme chez les acteurs de la distribution spécialisée bio. Enquêtés par IBB (Initiative Bio Bretagne) (voir encadré), 40 magasins bretons sur les 48 interrogés voient leur chiffre d’affaires augmenter au premier trimestre 2024. Aujourd’hui, les freins que ceux-ci expriment sont principalement le désintérêt pour la bio (25 % des répondants) et l’écart de prix avec les produits conventionnels (23 %).

Grande distribution : deux pas en arrière, un demi-pas en avant

Dans la grande distribution, la saignée a été sévère. Le déréférencement des produits bio a entretenu le cercle vicieux de la déconsommation. Mais quand on se penche sur les volumes et de chiffre d’affaires, leur évolution a de quoi interpeller : de 2022 jusqu’à la mi-2024, les volumes ont toujours davantage baissé, en variation annuelle, que le chiffre d’affaires. Deux tentatives d’explication : la GMS a choisi de continuer à référencer les produits à forte valeur ajoutée et/ou elle a souhaité maintenir sa marge en augmentant les prix des produits bio pour compenser la baisse des volumes.

Pour autant, les acteurs de la GMS n’ont pas encore signé l’arrêt de mort de la bio. Pour commencer, Intermarché, Coopérative U et Carrefour se sont engagés dans la campagne Bio Réflexe nationale. Dans sa déclinaison régionale portée par IBB (Interbio Bretagne), seul Carrefour s’est impliqué, au côté de magasins spécialisés bio. Le groupe Carrefour a également mis la bio en bonne place dans le deuxième volet de son plan sur l’alimentation « Act for Food ». Dévoilé début octobre, un des mesures-phare est de proposer la MDD bio la moins chère du marché.

Une étude pour faire le point



Le lundi 28 octobre 2024, IBB a présenté son étude 2024 sur les tendances et perceptions d’avenir de la distribution spécialisée bio bretonne (retrouvez la présentation de l’étude 2022).
Les acteurs de la distribution présents se sont globalement reconnus dans les résultats encourageants qui étaient présentés. Si leur maillon est sur la bonne voie, ils n’en oublient pas pour autant les producteurs obligés de se déconvertir ou de voir une partie de leur production déclassée par leurs acheteurs.
Mais leur regard se tourne aussi vers les PME bio. D’un côté, elles ont affronté la versatilité de leurs clients pour les MDD : certains se sont désengagées après les avoir incitées à investir quand le marché était florissant. De l’autre, l’impossibilité de déclasser leurs marques propres face à la contraction de leurs débouchés les a contraintes à diminuer leur production.

Rédigé par William Guillo

Chargé de mission Économie - Emploi, référent distribution, consommation et signes officiels de qualité

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