La Chine hausse le ton face au porc européen
Dans le cadre de la guerre commerciale liée aux importations de voitures électriques chinoises, la Chine avait diligenté trois enquêtes sur l’agroalimentaire européen : le cognac, le porc et les produits laitiers. L’enquête antidumping sur le porc européen est prolongée jusqu’au 16 décembre 2025, mais les craintes sont déjà bien présentes.
La Chine taxe provisoirement le porc européen
La menace planait comme une épée de Damoclès sur la filière porcine européenne depuis un an. Le couperet est tombé le 5 septembre dernier. La Chine impose provisoirement des droits antidumping sur les importations de porc européen. Ce sont des taxes supplémentaires car Pékin estime que la viande porcine européenne est vendue à un prix trop bas, notamment en raison des avantages de la PAC pour les producteurs européens. Cela entraîne une concurrence jugée déloyale par la Chine et qui nuit aux entreprises du pays.
Les exportateurs européens devront donc s’acquitter d’une taxe supplémentaire dont le taux varie :
- De 15,6 % à 32,7 % pour les entreprises sélectionnées pour participer à une enquête approfondie. Elles se trouvent en Espagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
- De 20 % pour les entreprises qui ont coopéré à l’enquête.
- De 62,4 % pour les autres entreprises.
Grâce à l’action collective d’Inaporc, l’interprofession porcine française, les entreprises françaises ont pu répondre ensemble au lourd dossier demandé par l’administration chinoise. La taxe supplémentaire sera donc de 20 % pour la filière française, ce qui portera les droits de douane totaux à 32 % vers la Chine. Cependant, l’inquiétude demeure pour les petits opérateurs. Passant généralement par des traders non reconnus par la Chine, leur surtaxe sera de 62,4 %.«
Thierry Marchal, responsable du GT porc de la Chambre d’agriculture de Bretagne
Le porc breton se désengage de la Chine
Cette annonce est un coup de massue pour la filière porcine européenne. La Chine est en effet la première destination du porc européen à l’export. C’est également le premier marché export du porc français. En 2024, la France a ainsi exporté 115 000 tonnes de porc en Chine. Cela concerne principalement des morceaux non consommés en Europe comme les pieds, les oreilles et les abats.
En 2024, la Bretagne a envoyé 78 000 tonnes de viandes de boucherie en Chine. C’est presque moitié moins que le record de 2021. La Chine représentait alors presque le tiers des exportations bretonnes de viandes de boucherie. En 2024, le pays ne représente plus que 14 % des parts de marché bretonnes avec 150 millions d’euros.

La Chine met le porc européen sous tension
La filière cognac a subi les mêmes étapes dans la procédure d’enquête. L’impact de la taxation provisoire été immédiat. Les ventes vers la Chine ont reculé de près de 10 % en volume sur l’année 2024. Il y a fort à parier que les conséquences seront similaires pour la filière porcine. La perte de compétitivité du porc européen sera dommageable pour les filières. Les parts de marché perdues en Chine seront difficiles à reconquérir une fois la guerre commerciale terminée.
Les volumes qui ne trouvent plus preneur en Chine seront reportés sur le marché communautaire. Ce report risque d’alimenter une pression sur les prix. De plus, l’équilibre matière des porcs européens ne sera plus assuré. La Chine est en effet considérée comme l’un des seuls débouchés pour les abats. Il sera donc très difficile pour les entreprises européennes de valoriser l’ensemble de la carcasse, ce qui est pourtant essentiel à la bonne tenue du prix payé aux producteurs.
La filière française estime les impacts cumulés entre 200 et 400 millions d’euros de perte. Les opérateurs espèrent bénéficier de la même faculté que ceux de la filière cognac. En négociant individuellement avec la Chine et en s’engageant sur des prix minimum, ils ont pu échapper aux droits antidumping définitifs. Reste à voir si toutes les entreprises bretonnes qui le souhaitent auront cette capacité à négocier avec le géant chinois…