Quel pouvoir pour les Organisations de Producteurs ?

Un ensemble d’évènements survenus sur le seul mois de janvier, a priori sans lien direct, questionne sur les moyens qui sont attribués aux Organisations de Producteurs (OP). Alors qu’elles sont censées pouvoir négocier avec les transformateurs sur les formules de prix, aujourd’hui trois quarts des OP laitières ne seraient pas parvenues à un accord.

C’est le cas de l’OP Saint-Père, qui travaille avec la laiterie du même nom, depuis plus d’un an, sur un accord-cadre comprenant une formule de prix basée sur l’indicateur de coût de production du Cniel. Toutefois, ne parvenant pas à un accord avant la fin de l’année 2022, l’industriel a envoyé aux producteurs des contrats individuels à retourner paraphés et signés avant le 25 janvier. Rappelons que la loi est claire sur ce point : le contrat doit émaner de l’éleveur, et non de l’acheteur de son lait. Par ailleurs, le prix appliqué dans ces contrats individuels ne correspond pas à la formule de prix sur laquelle travaillent l’OP et la laiterie.

En réponse, l’OP a décidé de saisir le médiateur des relations commerciales agricoles. De son côté, l’industriel assure que la décision d’envoyer des contrats individuels aux producteurs n’était qu’une solution temporaire et de secours, et qu’il souhaite parvenir le plus rapidement possible à la signature d’un accord-cadre avec l’OP.

Toutefois, cet acte questionne sur les réels moyens dont disposent les OP afin de négocier avec les industriels. Ainsi, France OP Lait (FOPL), organisation représentant 18 OP, s’est saisie de cette affaire et dénonce, dans un communiqué du 16 janvier :

les tentatives de certains industriels de contourner les OP, au profit d’une relation individuelle avec les producteurs 

Désaccords au sein du Cniel

Coïncidence, le lendemain de ce communiqué, la FNPL (Fédération Nationale des Producteurs de Lait) annonce l’intégration des OP dans le collège « producteurs » du Cniel. Une annonce qui n’a pas manqué de faire réagir France OP Lait. En effet, les trois représentants d’OP élus pour intégrer l’interprofession n’auront pas le droit de participer aux votes. Seul Yohan Barbe (FNPL), un des trois élus, dispose d’un droit de vote, mais en tant que représentant des producteurs, et non en tant que représentant des OP.

Cette intégration, réalisée sans concertation préalable avec les OP, ne satisfait pas FOPL, qui dénonce une « mascarade » et considère que le Cniel ne remplit pas son rôle de transparence de la production et des marchés.

Se rassembler pour exister

C’est dans ce contexte que l’OPLGO, OP de 1 000 exploitations livrant à Lactalis, a annoncé rejoindre l’Unell, association d’organisations de producteurs (AOP) présente sur l’ensemble du pays. Avec cette adhésion, l’AOP représente désormais 60 % du lait collecté par Lactalis en France. L’OPLGO a indiqué que cette décision a été mue par les difficultés que rencontrait l’OP à trouver une formule de prix avec l’industriel laitier. L’adhésion à l’Unell permettra à l’OP de disposer d’un poids plus important dans la négociation avec Lactalis.

Les OP sont censées être les pierres angulaires de la négociation entre producteurs et industriels, reconnues en particulier depuis la loi Egalim. Toutefois, ces évènements rapprochés indiquent que la place et les moyens qui leur sont attribués ne permettent pas à de nombreuses OP de mener à bien cette mission de négociation. L’intégration des OP au sein de l’interprofession est un signe qu’elles gagnent progressivement en reconnaissance et que l’ensemble de la filière doit aller vers toujours plus de transparence.

Rédigé par Olivier Carvin

Chargé de mission Economie - Emploi, référent sur la filière laitière Docteur en économie de l'agroenvironnement. Breton d'adoption. Je mets mes compétences en analyse économique au service de la filière laitière bretonne. Je suis aussi le M. Diffusion de l'équipe.

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