La distribution contre les importations, le beau rôle !

La souveraineté alimentaire : un enjeu prioritaire en théorie. En pratique, cela est plus contestable. De nombreux exemples le relèvent : l’accord avec le Mercosur, la hausse des importations d’emmental, … Face aux polémiques et à l’incompréhension des Français, les distributeurs marquent le coup. Alors, action de communication ou réel engagement ?

Carrefour est le premier à se lancer : Alexandre Bompard, son PDG, annonce que l’enseigne ne vendra pas de viande importée du Mercosur. Dans la foulée, Thierry Cotillard, Président du Groupement Mousquetaires (Intermarché et Netto) va plus loin : la mesure concernera aussi les produits transformés à marque propre.

Des initiatives significatives ?

Dans chacun des cas, il faudrait connaître le volume des viandes importées du Mercosur avant l’annonce pour savoir si cette décision est un simple coup de communication ou un changement de paradigme. D’après Philippe Goetzmann, consultant spécialisé dans la grande consommation, « que les enseignes retail annoncent l’une après l’autre refuser de commercialiser de la viande du Mercosur dans leurs rayons traditionnels est aussi évident que ridicule. Elles ne commercialisent déjà pas ou si peu de viandes issues d’autres pays d’Europe, pourtant souvent moins chères. Pourquoi alors envisageraient-elles de vendre des viandes sud-américaines ? Le sujet n’est pas là.« 

D’après Idele, seuls 7 % de la viande en GMS sont en effet importées. Une proportion qui serait inférieure à 4 % dans les enseignes du groupe Carrefour pour le bœuf et le porc. L’enjeu de ces importations se situe donc davantage sur les plats préparés et la restauration hors domicile. Ces secteurs sont d’ailleurs invités par les deux distributeurs à les rejoindre dans le mouvement. Seront-ils suivis ?

La distribution contre les importations d’emmental

Autre filière, mais même combat. Après avoir atteint un record en 2023, les importations d’emmental en France progressent encore de 10 % sur les neuf premiers mois de 2024. Face à ce constat alarmant pour la filière française, le Collectif de l’emmental français voit le jour en novembre. A l’initiative de la coopérative Sodiaal et de la coopérative U, il a pour objectif de sensibiliser et promouvoir l’origine française de l’emmental.

Focus : la Bretagne est-elle concernée par les importations d’emmental ?

La Bretagne est la première région productrice d’emmental en France (près de la moitié du volume national). Néanmoins, la Bretagne souffre d’un recul de son cheptel qui finit par impacter la collecte. Face à cette évolution structurante, les opérateurs bretons ont-ils davantage recours à l’importation pour approvisionner leurs usines et leurs magasins en emmental ? Les données régionales de la Douane ne permettent pas d’isoler les flux spécifiques liés à l’emmental. Cependant, observer la catégorie « produits laitiers et fromages » permet d’identifier une tendance. Sur les neuf premiers mois de l’année, ces importations bretonnes sont en retrait annuel de 8 % pour s’établir à 87 300 tonnes. Une évolution contraire à celle observée au national spécifiquement pour l’emmental.

D’après le CNIEL, Pays-Bas et Allemagne fournissent les trois quarts de l’emmental importé en France, avec des petits volumes d’Irlande et de Belgique. Les flux bretons depuis ces pays sont contrastés. Quasiment inexistants en provenance des Pays-Bas et d’Irlande, les importations de produits laitiers et fromages viennent principalement de Belgique (en baisse annuelle de 20 % sur les neuf premiers mois de l’année) et d’Allemagne (en progression de 4 % sur la même période). Ainsi, la Bretagne ne semble pas importer beaucoup d’emmental, sauf à ce qu’elle s’approvisionne hors région.

Éduquer le consommateur face aux importations

En lait, comme en viande, les annonces récentes des distributeurs Carrefour, Intermarché ou U ne devraient donc pas changer radicalement les flux commerciaux à l’avenir. Mais ce ne sont pour autant pas que des jolis coups de communication. En se positionnant contre les importations, en pleine manifestations agricoles anti-Mercosur, ils donnent un poids supplémentaire aux revendications du monde paysan. Enfin, cette communication participe à la sensibilisation du consommateur sur l’origine France.

Rédigé par Delphine Scheck

Chargée de mission Economie - Emploi, référente industries agroalimentaires et commerce extérieur

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