Les tomates marocaines à l’assaut des marchés européen et français
La production de tomates destinées à la consommation en frais dans l’Union européenne s’élevait à 6,2 millions de tonnes en 2022. C’est 13 % de moins qu’il y a cinq ans, souligne la DG agriculture de la Commission européenne. Selon l’association des exportateurs espagnols de fruits et légumes (Fepex), la raison principale du déclin de la production communautaire serait la forte croissance des importations en provenance de pays tiers, notamment du Maroc.
Le Maroc troisième exportateur mondial de tomates fraîches
Les exportations marocaines de tomates fraîches ont augmenté de 40 % entre 2017 et 2022. Ceci permet au Maroc de devancer l’Espagne et de devenir en 2022, le troisième exportateur mondial de tomates, derrière le Mexique et les Pays-Bas. Ses volumes exportés progressent de 17 % en un an. Avec les 3/4 des tonnages destinés à l’UE, le marché européen est devenu essentiel pour le Maroc. L’entrée en vigueur en 2013 de l’accord d’association UE-Maroc a largement favorisé ce développement. En 2022, les importations communautaires de tomates fraîches atteignent 794 871 tonnes en hausse de 75 % depuis 2014. En provenance du Maroc, sur la même période la hausse est de 61 %. Selon la DGAgri elles devraient encore progresser de près de 7 % en 2023 par rapport à 2022. Les achats de l’UE sont originaires pour 70 % du Maroc et pour 23 % de la Turquie.
La France est le troisième importateur mondial de tomates
Après plusieurs années de stabilité, les importations françaises de tomates progressent de 10 % en 2022 sur un an. Le Maroc s’est imposé progressivement jusqu’à fournir en 2022, 63 % des tomates fraîches importées par la France. Ceci s’est fait au détriment de l’Espagne dont les expéditions vers la France reculent depuis une dizaine d’années. En 2022, les importations françaises en provenance du Maroc atteignent 425 552 tonnes en hausse de plus de 19 % sur un an. A l’inverse, les tomates d’origine espagnole reculent de 1 % en 2022 sur un an.
L’accord de libre-échange UE/Maroc de 2012
L’accès au marché de l’UE par le Maroc a été facilité par l’accord de libre-échange UE/Maroc de 2012. En effet, celui-ci autorise le Maroc à exporter vers l’UE un contingent à droit nul de 285 000 tonnes de tomates entre le 1er octobre et le 31 mai. De plus, ce quota n’a pas été revu depuis le Brexit alors que de son côté, Londres a accordé un quota supplémentaire de 47 510 tonnes au Maroc.
Dans le cadre de cet accord, le Maroc bénéficie d’une réduction des droits de douane ad valorem ((en pourcentage de la valeur du produit) de 60 % entre juin et septembre sans limitation. Un prix d’entrée de 0,461 €/kg du 1er octobre au 31 mai a été défini en 2000 mais celui-ci n’est pas indexé sur l’inflation. De plus, depuis 2014, le calcul du prix d’entrée est réalisé sur la base de la valeur forfaitaire à l’importation sans tenir compte de l’évolution variétale des tomates marocaines, alors que l’offre marocaine s’est fortement orientée vers la tomate cerise. Cette augmentation des volumes a aussi été favorisée par la compétitivité prix de la tomate marocaine, permise par le bas niveau des salaires au Maroc. Effectivement, selon Légumes de France, le salaire horaire chargé s’élève à 0,74 € au Maroc contre 13,64 € en France.
La tomate, plébiscitée par le consommateur français
L’avantage prix se retrouve aussi en magasins. En effet, quelle que soit la variété, la tomate marocaine est la moins chère des origines. Selon le CTIFL, l’écart de prix est particulièrement important pour la tomate cerise. Le prix moyen en magasin pour l’origine France est 2,4 fois plus élevé que l’origine Maroc. Pour les tomates cocktail et ronde l’écart est moins important (1,4). Ceci est d’autant plus significatif que la part de marché de la tomate cerise dans les achats des ménages français est passée de 7,8 % en 2015 à 14,3 % en 2020.
Avec une moyenne de 13,6 kg/acheteur/an, en 2022, la tomate est le premier légume frais acheté par les ménages. Malgré un recul des achats en 2022, la tomate a le vent en poupe. En effet, selon Kantar, 96 % des ménages français sont acheteurs de tomates en 2022. Dommage que cette dynamique profite aux importations, dans un premier temps en provenance de l’Espagne et plus récemment du Maroc.
Pour la Bretagne qui représente 25 % de la production française de tomates fraîches, l’enjeu est de maintenir ce poids économique pour un légume devenu important pour la région alors que les volumes de production bretons ont déjà reculé depuis 2016.
Pour en savoir plus
La tomate, une production de diversification devenue essentielle en Bretagne
La Bretagne compte 600 ha implantés en tomates en 2022, en hausse de 11 % depuis 2012 et de 2,9 % (+17 ha) entre 2021 et 2022. 95 % des surfaces bretonnes de tomates sont sous serres en hausse de 9,8 % depuis 2012 et de 3 % (+17 ha) sur un an. La Bretagne représente 12 % des surfaces françaises totales de tomates en 2022, avec 28 % des surfaces nationales en tomates sous serre. Cette part a été maximale en 2014 avec 28,5 %. Même si le poids de la Bretagne est négligeable en surfaces de tomates plein air pour le frais, la part de la région est passée de 2,1 % en 2012 à 3,6 % en 2022, avec un maximum de 3,7 % en 2016. La part de Bretagne en surfaces de tomates pour l’industrie est stable à 0,2 %.
25 % des tomates françaises produites en Bretagne
Depuis le maximum de 248 750 tonnes en 2016, la production bretonne a reculé de 31 % (contre 16 % au niveau national sur la même période). En 2022, la production bretonne s’élève à 169 753 tonnes. La Bretagne réalise 25 % de la production française de tomates fraîches. Avec l’engouement du consommateur pour la tomate, toute baisse des surfaces et donc de la production bretonne risque d’alourdir un marché déjà déficitaire et d’entraîner une nouvelle hausse des importations. Au-delà des volumes, la gamme a nettement évolué. Positionnée au départ sur la tomate vrac, la Bretagne s’est progressivement orientée vers la grappe, les petits fruits et plus récemment vers les variétés anciennes. Avec l’inflation et la baisse du pouvoir d’achat, en 2023, on observe une tendance au resserrement de la gamme, vers des références moins coûteuses que sont la grappe et la tomate ronde au détriment des tomates cocktail.
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