Le transport des bovins dans le viseur de l’Allemagne
Le 28 octobre dernier, le Ministère fédéral de l’Agriculture allemand a annoncé mettre fin, à partir du 1er juillet 2023, à l’exportation vers les pays tiers de tout bovin, caprin et ovin vivant. L’Allemagne avait déjà pris une mesure similaire pour l’envoi vers les pays tiers d’animaux destinés à l’engraissement et l’abattage, la mesure s’étendra désormais aux bovins vifs pour la reproduction. Concrètement, l’Etat fédéral n’émettra plus de certificats vétérinaires pour les exportations.
Le ministre de l’Agriculture, Cem Özdemir, qui appartient au parti des Verts, justifie cette décision par des considérations de bien-être animal : « Nous ne pouvons plus rester sans rien faire et regarder les animaux souffrir ou mourir en agonisant lors de longs voyages », a-t-il déclaré dans un communiqué. Cependant, les animaux pouvant circuler librement d’un pays de l’Union européenne à l’autre, cette législation peut être contournée si les animaux transitent par un autre Etat-membre. C’est pourquoi l’Allemagne compte sur la Commission européenne pour faire appliquer cette règle à l’échelle du continent.
Quelles conséquences pour la filière française ?
Voyons les conséquences qu’aurait l’application de la décision allemande à l’échelle européenne pour la filière française. La France n’exporte plus que très peu de bovins finis vivants. Ce sont des animaux qui ont fini leur croissance et qui sont expédiés vivants vers des pays pour y être abattus et consommés sur place. En 2021, 30 000 jeunes bovins finis vifs ont ainsi été expédiés dont 25 000 vers d’autres pays de l’Union européenne et 5 000 vers des pays tiers. Une application de la décision germanique à l’échelle européenne interdirait donc la vente de ces 5 000 jeunes bovins, qui demeurent anecdotiques par rapport aux plus de 3 millions de bovins mâles naissant tous les ans en France.
En revanche, la France exporte beaucoup plus de broutards, qui sont des jeunes bovins destinés à être engraissés. En 2021, 1,15 million de broutards français ont été exportés. La très grande majorité vers des pays de l’Union européenne mais quand même plus de 64 000 têtes vers les pays tiers : Algérie, Israël et Tunisie.
Une législation européenne du type de celle mise en place par l’Allemagne aurait donc des conséquences surtout pour ce marché des broutards. Ceux-ci sont très majoritairement de race allaitante. Il est possible que cela puisse déstabiliser légèrement le marché, mais la baisse des naissances est actuellement telle que les conséquences seraient sans doute limitées pour la filière française. Celle-ci a, de fait, de moins en moins de broutards à exporter.
Les exportations intra-UE sont aussi visées
La Commission européenne doit présenter cette année son projet de révision de la réglementation sur le bien-être animal. On verra alors si elle a retenu cette proposition de l’Allemagne. Par ailleurs, dans ce cadre, l’Allemagne plaide avec d’autres pays de l’Europe du nord pour l’interdiction du transport d’animaux vivants sur de longues distances dans toute l’Union européenne. Une mesure qui, pour le coup, aurait d’importantes conséquences pour la filière française qui transporte sur de longues distances des broutards mais aussi des veaux laitiers mâles.
En 2021, la France a ainsi exporté 348 000 petits veaux à 90 % vers l’Espagne, ce qui représente 10 % des 3,35 millions de naissance de veaux de mère laitière. Les acteurs de la filière seraient obligés d’élever ces animaux à proximité de leur lieu de naissance et surtout de leur trouver un débouché économiquement viable. En Bretagne, l’élevage laitier serait particulièrement affecté car de nombreux veaux laitiers mâles sont exportés.