[1/3] Accord UE-Mercosur : les opportunités diverses du commerce international

Formalisant les échanges mondiaux de biens et services marchands, les cadres du commerce international sont des objets de négociations permanentes. L’Union européenne en est un des acteurs historiques pour avoir participé à tous les pourparlers depuis l’après-guerre. Aujourd’hui, l’accord avec le Mercosur est regardé de près en raison de ses enjeux économiques.

Un commerce international à deux niveaux

Le commerce international est d’abord régi de manière multilatérale par les accords de l’OMC, actif depuis 1995. Cette organisation a pris la place du Gatt, signé en 1947, et prolonge ses fondements.

[La] principale fonction [de l’OMC] est de favoriser autant que possible la bonne marche, la prévisibilité et la liberté des échanges. 

L’OMC en bref

L’OMC est d’abord une plateforme de négociation entre les 164 pays-membres qui vise à garantir « une concurrence ouverte, loyale et exempte de distorsions ».
Initiant l’OMC, l’accord de Marrakech de 1994 voit le volet agricole intégrer les dispositions du commerce international. Auparavant, le commerce international était focalisé sur l’industrie. Pays riches et en développement y sont traités de manière différenciée.

Très ambitieuse, l’organisation va pourtant s’essouffler au tournant des années 2000. L’émergence de nouvelles puissances commerciales, à l’instar des futurs BRICS, a disputé la domination du couple USA-UE sur les négociations internationales. L’affaiblissement du soutien des opinions publiques à l’égard de l’OMC, alertées par les critiques altermondialistes, y a également concouru. Le second rôle de l’OMC est de régler juridiquement les différends commerciaux entre pays-membres. Cependant, il est entravé depuis 2017 par l’opposition des États-Unis au renouvellement des juges, ce qui bloque les procédures de règlement des différends.

Ainsi, des initiatives bilatérales sont venues contourner l’enlisement de la voie multilatérale : les accords de libre-échange (ALE). Ces accords visent à rapprocher des économiques nationales ou régionales et viennent en complément des accords de l’OMC. Leur dynamique a pris de l’ampleur, passant d’accords en deux pays à des accords entre blocs régionaux (les méga-deals), comme l’accord UE-Mercosur.

Le nombre d’ALE a considérablement augmenté au tournant des années 2000 (source : Chambre d’agriculture de Normandie)
Les méga-deals dessinent la carte des échanges internationaux (source : Chambre d’agriculture de Normandie)

Union européenne : actrice incontournable du commerce international

L’Union européenne est très dynamique avec plus d’une quarantaine d’ALE conclus à date. Les États-membres délèguent les négociations commerciales à la Commission européenne pour garantir l’égalité de traitement de toute marchandise ou service entrant sur le territoire de l’UE. Les Parlements nationaux ne sont saisis qu’en cas de disposition non-commerciale dans ces accords.

L’Union européenne est en pointe dans le domaine des ALE (source : Conseil de l’Union européenne)

Ces ALE sont employés à diverses fins : renforcer les exportations européennes compétitives, sécuriser l’approvisionnement en matières premières stratégiques, intégrer économiquement de futurs États-membres.
En contrepartie de ces bénéfices, des secteurs – agricoles mais aussi industriels et tertiaires – peuvent subir une concurrence compétitive venant des pays-partenaires.

« La principale difficulté vient du fait que, si certaines filières sont structurellement plutôt bénéficiaires, d’autres sont malheureusement en permanence déficitaires. Or ces dernières sont les principales concernées [par nos principaux accords], comme les filières bovine et ovine, ce qui peut susciter des inquiétudes et requiert notre vigilance. »

Marc Fesneau, audition à la Commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale, 12 juillet 2023

En 2021, la Commission européenne a présenté une nouvelle stratégie commerciale « ouverte, durable et ferme », c’est-à-dire dans la continuité du projet libéral de l’UE, respectant ses objectifs environnementaux et garantissant le respect des engagements des partenaires.

Chaque ALE, actif ou en cours de (re)négociation, présente des opportunités et des menaces différentes selon les filières concernées.
Marché d’exportation : balance commerciale en faveur de l’UE ; Vigilance : balance équilibrée ; Concurrence : balance commerciale en faveur du partenaire.
Source : Chambre d’agriculture des Pays de la Loire.

Accord UE-Mercosur : un risque à prendre ?

Le projet d’accord avec le Mercosur est particulièrement débattu compte tenu de ses potentiels impacts sur l’agriculture.

Ce « marché commun du Sud », créé en 1991, unit le Brésil, l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay et la Bolivie. Concentrant 60 % des habitants (270M) et 80 % du PIB de l’Amérique du Sud, c’est la première plateforme industrielle et économico-financière de l’hémisphère sud.

Dans le domaine agricole, la zone accumule les records mondiaux :

  • Premier producteur agroalimentaire, de tournesol, d’huile de soja, de citrons
  • Second en miel et pommes
  • Troisième en biodiesel
  • Cinquième en vin

La locomotive brésilienne y est pour beaucoup, étant le premier pays producteur de viande bovine, volaille, coton, orange,…

La coopération avec l’UE est initiée en 1995 par un accord de coopération. Les négociations pour un ALE, erratiques, ont abouti sur un accord de principe en juin 2019. Une grande partie des pays européens y sont favorables mais une minorité de blocage empêche l’accord d’être ratifié. Outre les oppositions française et irlandaise, les parlements autrichiens et hollandais ont voté une résolution contraignant leur gouvernement à voter systématiquement contre au Conseil de l’UE.

Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen en juin 2023

Cet article est le premier d’une série qui étudiera les intérêts français défensifs (viande bovine et volaille) et offensifs (produits laitiers et indications géographiques) dans le cadre de l’accord UE-Mercosur, avec un focus mis sur les enjeux bretons.


Une étude de la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire

Nous remercions vivement nos collègues du Pôle Économie et Prospective de la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire, en particulier Yann Mathias et Pierre-Yves Amprou, pour les éclairages qu’ils ont pu nous fournir ainsi que pour la qualité de leurs travaux. Notamment « Accords internationaux : tendances et implications agricoles » (2023).

Autres sources principales de cet article :

  • Accords commerciaux internationaux – Principes de base, Chambres d’agriculture de Normandie, 2019
  • Rapport d’information sur le bilan des accords de libre-échange, Assemblée Nationale, 2023

Rédigé par William Guillo

Chargé de mission Économie - Emploi, référent alimentation animale, industries agroalimentaires et commerce extérieur

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