

L’UE, l’eldorado des œufs ukrainiens ?
Les importations européennes d’œufs en provenance de l’Ukraine ont nettement augmenté depuis le conflit entre l’Ukraine et la Russie. La mise en place du frein d’urgence par l’Union européenne n’a pour l’instant pas eu l’effet escompté.
Une reprise des exportations ukrainiennes depuis 2023
Alors que les exportations ukrainiennes d’œufs et d’ovoproduits étaient en plein essor (multipliées par deux entre 2016 et 2019) deux évènements ont entraîné leur recul : les difficultés financières puis la restructuration d’Avangardco (qui détient 35 % du marché des œufs coquille d’Ukraine), et l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les exportations d’œufs et d’ovoproduits ont donc été divisées par quatre entre 2021 et 2022.
Évolution des exportations ukrainiennes en œufs et ovoproduits et part de la production exportée

Source : Itavi d’après Ukrast et TDM
Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, à partir du 4 juin 2022, l’Union européenne a suspendu les droits de douane d’entrée dans l’UE pour un certain nombre de produits (dont les œufs). Ceci a largement facilité l’entrée des œufs coquille et ovoproduits ukrainiens dans l’UE, avec des importations en hausse 78 % entre 2022 et 2023.
L’UE devient le principal débouché des œufs ukrainiens
La destination des exportations ukrainiennes a été profondément modifiée. Selon l’Itavi, le poids de l’UE dans la destination des œufs coquille ukrainiens est passé de moins de 3 % en 2018 à 68 % en 2024 et de moins de 42 % en 2019 à plus de 90 % pour les ovoproduits. Selon la Commission européenne, l’Ukraine représente désormais 61,4 % de l’approvisionnement de l’UE en 2024 (sur les huit premiers mois 2024) contre 24 % en 2020.
Un frein d’urgence inefficace
Prix de l’offre des œufs coquille de l’UE et l’Ukraine (rendu UE) – depuis 2021

Source : Itavi d’après Taxud, DG Agri
Face à l’afflux dans l’UE d’œufs coquille et d’ovoproduits en provenance d’Ukraine, le frein d’urgence a été activé le 2 juillet 2024. Il a permis la réintroduction, jusqu’au 5 juin 2025 des droits de douanes au même niveau que précédemment. Mais ce système est inefficace, car dans le même temps les prix des œufs sur le marché européens sont repartis à la hausse. La marchandise ukrainienne est donc restée attractive malgré la hausse des tarifs douaniers et les importations européennes en provenance d’Ukraine restent dynamiques. Face à ce constat, des pays mettent en place d’autres mesures. A l’instar de la Roumanie qui, en octobre 2024, a ajouté les œufs originaires d’Ukraine à la liste des produits nécessitant une licence d’importation.

Que deviennent les œufs ukrainiens dans l’UE ?
Selon FranceAgriMer, en 2023 certains pays (Grèce, Bulgarie, Roumanie) ont importé des œufs pour leur consommation directe en coquille. La majeure partie de ces œufs coquille importés est destinée à la transformation en ovoproduits, principalement en Lettonie, en Italie et aux Pays-Bas. Cependant « une fois transformés, ces ovoproduits pourraient être commercialisés sur le marché de l’UE sous l’étiquette du pays de transformation ».
La France n’est pas un gros client direct de l’Ukraine, elle a importé 936 tonnes équivalent œuf sur les sept premiers mois 2024 (soit moins de 1 % de ses importations). Cependant il est possible que des marchandises ukrainiennes transitent par d’autres pays européens avant d’arriver sur le sol français estampillées avec une origine UE. Les trois pays cités plus hauts représentent plus d’un quart des importations françaises d’ovoproduits, avec des achats en hausse en 2024 sur les neuf premiers mois de 2024 de 33 % en provenance d’Italie et de 13 % en des Pays-Bas.
La hausse de la production ukrainienne va-t-elle se poursuivre ?
Malgré la poursuite du conflit entre l’Ukraine et la Russie, avec une production déjà excédentaire et fortement orientée à l’exportation, la production ukrainienne d’œufs est prévue à la hausse en 2025. La pénurie d’œufs qui avait été observée sur le marché ukrainien ces dernières années avait incité de nombreux agriculteurs à augmenter leurs capacités de production. Le 2e groupe ukrainien dans la production d’œufs, Ovostar (environ 1,8 milliard d’œufs) poursuit ses investissements. Quant au leader Avangardo, il possède aujourd’hui seulement 13 millions de poules pondeuses pour une capacité totale 30 millions. Ces prévisions à la hausse seront-elles affectées par les pannes d’électricité prolongées observées actuellement en Ukraine ?
Pendant ce temps, en France, la volonté d’abandonner le système de production en cage, pourrait entraîner un recul de la production française. Selon l’Itavi, le passage d’un bâtiment de la cage au sol entraine le recul de la capacité de production de 20 % en moyenne. Dans un marché français déjà déficitaire, et alors que la consommation d’œufs est toujours dynamique (pour en savoir plus sur la consommation d’œufs lire l’article Croissance de la consommation d’œufs malgré la hausse des prix ) espérons que la France ne devienne pas une destination prisée d’œufs et d’ovoproduits produits selon des normes moins strictes que celles requises pour les produits français.
Pour en savoir plus
Dynamique des exportations ukrainiennes : enjeux pour le marché européen des œufs. Octobre-Novembre-Décembre 2024, Tema – Economie, ITAVI.
Veille concurrentielle internationale œufs et ovoproduits – Données 2022 – FranceAgriMer.