Imaginons les profils d’agriculteurs de demain
Les Chambres d’agriculture de Bretagne ont réalisé un travail sur l’évolution des besoins en compétences pour les actifs agricoles. Un volet de cette étude vise à montrer le champ des possibles pour les modèles agricoles de demain. Pour cela, différents profils d’agriculteur à horizon 2040 ont été repris de l’étude de l’Union Européenne, « Farmers of the future ». Si certains de ces profils existent déjà, certains semblent peu probables, d’autres ne sont peut-être pas souhaitables, et d’autres encore sont à la limite de l’activité agricole.
Les agriculteurs de demain
Sur les 12 profils décrits par l’étude de l’UE, en voici sept présentés de manière très synthétique (une version plus détaillée est disponible à la fin de cet article) :
- L’agriculteur adaptatif, en diversification d’activité est un agriculteur agile, qui saisit les opportunités et s’adapte à la demande en allant sur de la diversification d’activités, dans des domaines nouveaux. L’exploitation est une structure complexe en termes d’activités, mais également de partenariats, de sources de financement, d’organisation.
- L’agriculteur salarié, directeur de filiale est gérant de l’exploitation détenue par l’entreprise agroalimentaire. En effet, les entreprises agroalimentaires ont intégré la production agricole dans leurs activités pour sécuriser leurs approvisionnements.
- L’agriculteur de précision et à haute technologie est un agriculteur innovateur, avec un système très automatisé, à forte intensité technologique et de précision. Ce système vise à optimiser ses rendements tout autant qu’à prendre en compte les problématiques liées au changement climatique, à la raréfaction des ressources et au maintien de la biodiversité.
- L’agriculteur néorural, en recherche d’un nouveau mode de vie, recherche la qualité de vie dans des modes d’agriculture collective. Pour se lancer, il est accompagné par une structure coopérative qui fournit la maison, l’exploitation et qui s’occupe de différents aspects autour de la production (achats des intrants, commercialisation de la production…).
- L’agriculteur urbain est un agriculteur entrepreneur en milieu urbain. Les activités peuvent être très variées : plein champ, serres, toits… En plus d’une alimentation locale, il offre bien souvent d’autres services à la population (loisirs…). Dans les quartiers populaires, il peut avoir une mission d’action sociale auprès des jeunes.
- L’agriculteur en intérieur et en environnement contrôlé est un agriculteur entrepreneur technophile. La production se fait sans lumière naturelle, dans un environnement contrôlé, à haute technologie (éclairage LED, automatisation).
- L’agriculteur fabricant de cellules fabrique des aliments / ingrédients alternatifs de synthèse (viande, protéine de lait, matière grasse…) à partir de cellules animales fournies par un réseau d’éleveurs.
Quelles compétences nécessaires ?
Ces profils sont tous très différents et chacun requiert ainsi un éventail de compétences spécifiquement adapté à l’exploitation. Néanmoins, de fortes compétences entrepreneuriales sont indispensables pour quasiment tous ces agriculteurs. Les compétences liées aux systèmes et aux technologies de production sont également majeures pour s’adapter aux évolutions technologiques et être en capacité de répondre aux enjeux environnementaux, climatiques et de gestion des ressources. L’agriculture est un secteur regardé par beaucoup d’acteurs, que cela soit au niveau des territoires, de la société et bien sûr des consommateurs. Les agriculteurs, quel que soit leur profil, doivent donc pouvoir communiquer, expliquer leurs pratiques, défendre leurs projets. Cet autre article présente plus en détail l’évolution des besoins en compétences pour les actifs agricoles bretons.
Que ces profils soient ou non ceux que l’on retrouvera demain en Bretagne, une chose semble certaine : l’agriculture devient multiforme, les modèles d’exploitation se diversifient. Avec, en parallèle, des métiers de plus en plus différents et des niveaux de compétences de plus en plus importants.
Pour en savoir plus, retrouvez l’étude des Chambres d’agriculture de Bretagne sur l’évolution des besoins en compétences pour les actifs agricoles de demain :
Cette étude a bénéficié du soutien financier de l’Etat (Dreets) et de la Région Bretagne dans le cadre du Contrat de Plan Etat – Région.
Description plus détaillée des sept profils
Agriculteur adaptatif, en diversification d’activités
En 2040, l’agilité de cet agriculteur lui permet d’expérimenter de nouvelles activités de diversification. Il est capable de s’adapter à une demande très volatile et de saisir les opportunités dans de nouveaux domaines autour de la bioéconomie, du sport, des loisirs ou des services environnementaux par exemple. L’exploitation est une structure complexe en termes d’activités, mais également de partenariats, de sources de financement, d’organisation. Cet agriculteur a des compétences en réflexion systémique pour pouvoir gérer cette complexité. Sa créativité lui permet d’élaborer une approche cohérente de ses activités. Il travaille en lien avec de multiples réseaux ad hoc, que ce soit pour s’informer ou pour développer un système de connaissance.
Agriculteur salarié, directeur de filiales
En 2040, les entreprises agroalimentaires ont intégré la production agricole dans leurs activités pour sécuriser leurs approvisionnements. L’agriculteur est donc un cadre gérant l’exploitation détenue par une entreprise agroalimentaire. Pour lui, ce poste est une étape dans une carrière plus vaste qui couvre différents départements : production, transformation, commercialisation… Son agilité culturelle lui permet de s’adapter à une organisation complexe, d’en comprendre et d’en accepter la stratégie. Il se sent davantage lié aux valeurs de l’entreprise qu’à l’agriculture elle-même. Ses fonctions sont centrées sur le pilotage et la gestion technico-économique de l’exploitation, ainsi que sur la gestion du personnel car la production est réalisée par une équipe de salariés. Il doit aussi rendre compte de ses résultats auprès de son employeur, ainsi que négocier avec lui pour réaliser des investissements pour l’exploitation, faire évoluer le système de production.
Agriculteur de précision, à haute technologie
Cet agriculteur cherche à optimiser ses rendements grâce à un système à forte intensité technologique et de précision, avec un degré élevé d’automatisation… tout en prenant en compte les problématiques liées au changement climatique, à la raréfaction des ressources et au maintien de la biodiversité. Il a donc adapté son système pour le rendre plus durable sur le plan environnemental. C’est un innovateur qui teste, adapte et utilise les technologies les plus poussées. Au-delà des compétences en pilotage et gestion d’entreprise, il maîtrise parfaitement les techniques de production (génétique, agronomie…) et bien sûr les technologies numériques (technologies embarquées, pilotage des serres…). Il est capable de collecter, analyser et exploiter les nombreuses données enregistrées via les outils numériques. Pour rester dans la course, il s’informe et se forme régulièrement pour suivre les évolutions dans ces domaines.
Agriculteur néorural, en recherche d’un nouveau mode de vie
En 2040, beaucoup de personnes ont quitté les villes pour s’installer à la campagne dans le but d’améliorer leurs conditions de vie ; une partie s’est lancée en agriculture. L’agriculteur néorural recherche ainsi une certaine qualité de vie dans des modes d’agriculture collective. L’activité agricole est une phase dans un parcours d’évolution personnelle. Pour se lancer, l’agriculteur néorural est accompagné par une structure coopérative qui fournit la maison, l’exploitation, qui s’occupe de différents aspects autour de la production (achats, commercialisation de la production…) et qui l’accompagne dans l’acquisition des compétences agricoles. Cet agriculteur a des capacités d’adaptation et d’apprentissage importantes pour être opérationnel rapidement dans son activité de production. Il valorise ses compétences et son expérience passée dans le milieu agricole. Sa compétence interculturelle (urbain / rural) lui permet notamment de créer du lien avec les consommateurs urbains.
Agriculteur urbain
En 2040, l’agriculture urbaine a pu se développer grâce à l’environnement politique local favorable à ces initiatives. Les formes d’activité peuvent être très variées : plein champ, serres, toits… Pour se faire accepter du voisinage, l’agriculteur urbain est un très bon communicant et il veille à avoir des pratiques socialement acceptables. En plus de fournir une alimentation locale, il peut apporter des services à la population comme de l’offre de loisirs. Dans les quartiers, il peut avoir une mission d’acteur social et proposer des activités pédagogiques. Il dépend de la collectivité et/ou des bailleurs sociaux pour l’accès au sol, aux toits, à l’eau…. Il sait donc travailler avec ces partenaires pour répondre à des appels d’offres, négocier des projets…
Agriculteur en intérieur, en environnement contrôlé
Cet agriculteur exerce en intérieur et sans lumière naturelle, dans un environnement contrôlé, à haute technologie (éclairage LED, automatisation). Comme il n’est pas directement dépendant des conditions météorologiques, il peut produire toute l’année ses légumes, plantes médicinales, poissons ou insectes. Cette agriculture a pu se développer grâce aux progrès technologiques qui ont permis la baisse des coûts de production, notamment les coûts en énergie. Cet agriculteur a des compétences pointues en biotechnologie et biosécurité. Il gère un processus de fabrication en respectant des protocoles sanitaires et des normes de qualité très stricts. Il est donc extrêmement rigoureux et il a des compétences en gestion de la qualité et de la traçabilité.
Agriculteur fabricant de cellules
A partir de cellules animales fournies par un réseau d’éleveurs, cet agriculteur fabrique des aliments de synthèse : viande, protéine de lait, matière grasse… Une partie sert d’ingrédients utilisés par les entreprises agroalimentaires pour leurs recettes. Ce mode de production s’est développé pour notamment faire face à la montée des préoccupations éthiques liées à l’élevage, ainsi qu’aux risques biologiques. Cet agriculteur a plutôt le profil d’un entrepreneur du domaine agroalimentaire avec des compétences en biologie, technologie, biochimie, en sciences et technologies alimentaires. Pour innover et s’adapter à la demande, il est en veille sur les attentes des consommateurs et conduit des travaux de recherche et développement.