Décarbonation de la filière lait : quelle situation à l’international ?

En juillet dernier, le CGAAER a publié un rapport, intitulé « Parangonnage sur la diminution des émissions de méthane de l’élevage », établissant une comparaison des problématiques et des programmes de diminution des émissions de méthane de l’élevage dans les principaux pays exportateurs mondiaux de produits animaux. En voici les principaux éléments et conclusions à en tirer.

Les Etats-Unis et le Brésil, champions des émissions de GES agricoles

La problématique de réduction des émissions de GES dans le secteur agricole n’est pas une spécificité française. Ainsi, dans la figure ci-dessous nous pouvons observer les niveaux de GES et, plus spécifiquement, de méthane émis par le secteur agricole dans les plus grands pays exportateurs de produits animaux. Sur cette figure n’apparaissent pas les Etats-Unis, qui sont largement en tête avec près de 600 000 ktCO2eq, soit des émissions presque douze fois supérieures à celles de la France. Sur la seule question du méthane, en revanche, le Brésil est devant. Par ailleurs, la France apparait comme le premier pays européen émetteur de méthane, légèrement devant l’Allemagne.

En Bretagne, les émissions sont à hauteur de 7,63 MtCO2eq, soit 14,6 % des émissions totales du pays. Les émissions du secteur agricole néo-zélandais sont cinq fois supérieures à celles de la Bretagne, et celles du secteur agricole des Etats-Unis soixante-dix-huit fois supérieures !

Une problématique « effluents » importante en Bretagne

Le rapport du GAAER classe les principaux pays émetteurs en trois catégories, en fonction du niveau d’importance de l’élevage dans l’agriculture du pays, ainsi que du niveau d’intensification de ces activités d’élevage :

  • Les pays où l’élevage est prédominant dans l’agriculture : Australie, Nouvelle-Zélande et Irlande.
  • Les pays où les émissions provenant des effluents sont importantes en lien avec une intensification de la production : Pays-Bas, Danemark, et le Nord-Est de l’Allemagne
  • Les pays où l’activité d’élevage est importante mais dans lesquels les cultures prennent aussi une place importante : Brésil, Etats-Unis et la France.

La Bretagne appartiendrait plutôt à la deuxième catégorie. D’après les données Climagri 2018, la part des émissions du CH4 entérique dans les émissions totales du secteur agricole bretonne ne dépasse en effet pas les 50 %, donc loin de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie et de l’Irlande (voir figure ci-dessous). En revanche, la région se caractérise par une importance des émissions liées à la gestion des effluents (28,6 % du total des émissions du secteur agricole), à un niveau proche des Pays-Bas et du Danemark. Au Brésil ou en France, ces émissions ne représentent pas 10 % des émissions totales du secteur.

Peu d’objectifs chiffrés

Alors qu’en France, des objectifs chiffrés de réduction des émissions de GES – et en particulier de méthane – d’origine agricole ont été établis dans le cadre de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), ce n’est pas le cas dans la plupart des pays étudiés dans ce rapport. Seuls les Pays-Bas disposent d’un programme aussi détaillé, établissant à 22 % la part de la réduction des émissions de méthane dans la réduction globale des émissions de GES d’origine agricole. En France, d’après la SNBC, cette part s’élève à près de 40 % (voir figure ci-dessous). Ces valeurs ne sont pas étonnantes, puisqu’elles correspondent plus ou moins à la part des émissions actuelles de méthane dans les émissions totales agricoles dans ces deux pays.

Objectifs nationaux de baisse des émissions de GES du secteur agricole en MtCO2eq (source : SGPE)

La question du financement des programmes de décarbonation

Dans un précédent article, nous avions identifié les différents leviers permettant de réduire les émissions de GES, dont certains ont été expérimentés dans le cadre du programme de recherche Dairy4Future. Adopter ces leviers implique des coûts (financiers, administratifs, organisationnels) pour l’éleveur. Nous avions pu voir qu’à l’heure actuelle, en France, les incitations économiques sont limitées.

Les Pays-Bas, les seuls à financer une baisse du cheptel

Actuellement, les Pays-Bas sont le seul pays à mettre en place des programmes de baisse de cheptel. Ces programmes consistent à racheter les activités d’élevage. Sur les vingt-cinq dernières années, ce sont au total trois milliards d’euros qui ont été dépensés par l’Etat dans ces divers programmes. Leur efficacité reste à déterminer, avec des effets d’aubaines potentiels qui ont été identifiés, tels que le rachat d’activité d’éleveurs qui, même sans l’existence de cette opération, auraient cessé leur activité sous peu. En plus de ce programme, il est envisagé prochainement des aides aux investissements pour l’amélioration de la gestion globale des effluents. Cependant, le cahier des charges et l’enveloppe globale de cette aide restent encore à définir.

Peu de programmes publics, mais une multitude d’initiatives privées

Hors Europe, l’Etat intervient peu. A titre d’exemple, aux Etats-Unis, l’administration considère que la transition environnementale sera économiquement bénéfique pour les agriculteurs, et qu’il n’y a donc pas lieu de mettre en place des subventions publiques ni de contraintes environnementales dans l’accès aux aides. Les Paiements pour Services Environnementaux restent encore à l’état d’expérimentation ailleurs dans le monde. En revanche, en Australie, les agriculteurs qui s’engagent dans une démarche de réduction des émissions de GES peuvent générer des crédits carbone, qu’ils revendent soit au gouvernement, soit sur un marché de crédits carbone. Le rapport n’indique pas si ce marché est efficient.

Comme en France, certaines entreprises et coopératives laitières proposent des primes aux éleveurs qui s’engagent dans des programmes de réduction des émissions de méthane, consistant généralement à l’utilisation d’additifs tels que BOVAER. Cependant, ces primes sont équivalentes à celles observées en France, soit un montant d’environ 2 000 €/an par exploitation. Nous avions pourtant vu que des agriculteurs considèrent que ce montant est insuffisant au vu des charges administratives que cela implique. Par ailleurs, en conclusion du rapport, les auteurs indiquent que « sauf rares exception les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne sont pas valorisés par le marché » et qu’il est donc nécessaire de proposer aux éleveurs un accompagnement financier adéquat.

La problématique des émissions de méthane dans le secteur agricole n’est pas propre à la France. Ce rapport du CGAAER montre que les principaux pays exportateurs de produits animaux en sont tous au même stade d’expérimentations et consolidations des démarches, aussi bien au niveau des techniques pour réduire les émissions qu’au niveau du cahier des charges des programmes d’aides pour les éleveurs. La question du financement public, en particulier, reste encore sensible.

Rédigé par Olivier Carvin

Chargé de mission Economie - Emploi, référent sur la filière laitière Docteur en économie de l'agroenvironnement. Breton d'adoption. Je mets mes compétences en analyse économique au service de la filière laitière bretonne. Je suis aussi le M. Diffusion de l'équipe.

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