Réouverture des négociations commerciales : pour qui, comment ?
IRI-Circana annonçait en avril une inflation alimentaire de 17,6 % sur un an, soit de 19 % sur deux ans. Face à ce constat, les relations se tendent entre distributeurs, industriels, producteurs et désormais gouvernement. Les prix des matières premières commençant à refluer, les uns exigent des autres qu’ils baissent leur prix, en dépit des accords convenus dans le cadre des dernières négociations commerciales finalisées fin février 2023… Lesquelles devraient être rouvertes avant la fin du mois de mai, comme l’a annoncé Bruno Le Maire ce 17 mai.
Une vision biaisée
Oui, certains prix ont baissé. C’est par exemple le cas de l’huile de tournesol, de l’énergie (prix du gaz divisé par quatre depuis septembre), des principaux métaux, des fertilisants, du blé (réduit de moitié) ou encore de l’alimentation animale, dont les tarifs, s’ils ne sont pas tous revenus à leur niveau de 2021, sont bien loin de leur pic de 2022. Mais d’autres sont restés élevé (beurre, farine…) voire augmentent toujours comme le verre ou le sucre. Sans compter les conséquences de négociations ou d’achats de matières premières, réalisés par les entreprises à une période où les prix étaient encore très hauts (pour le gaz notamment, les contrats s’appliquent sur plusieurs mois).
Une réalité que les distributeurs pourraient eux même comprendre : ceux-ci sont en effet exactement dans la même logique lorsqu’il s’agit d’écouler des stocks, achetés à un prix plus élevé, avant de pouvoir appliquer des prix plus bas.
Pas touche au lait ni aux PME…
Bruno Le Maire l’assure : pas de renégociation pour les PME. Une promesse que le ministre a de nouveau assénée ce 17 mai à l’occasion de la rencontre entre gouvernement et industriels qui se tenait à Bercy, où se sont rendus notamment l’Ania, Barilla, Fleury Michon, Coca-Cola, l’Ilec, Unilever France ou encore Lindt. La raison invoquée porte essentiellement sur le fait que les PME bénéficient d’un pouvoir de négociation beaucoup plus faible que les très grandes entreprises, et n’ont pas de marges de manœuvre pour réduire leurs tarifs.
Interrogé le 17 mai sur BFM TV, Dominique Schelcher, président de Système U, assurait également cibler principalement les plus grandes entreprises, soit 300 environ, dont une quarantaine de « méga-entreprises » (comme Coca-Cola, Mars…), pour que celles-ci reviennent autour de la table des négociations, épargnant ainsi les PME et certains acteurs de filières particulières notamment des produits laitiers afin de défendre le revenu des agriculteurs.
… Une réalité ?
Toutes les PME ? Pas tout à fait. En effet, celles produisant des marques de distributeurs ont déjà commencé à subir des pressions. Interrogée par LSA, Marie-Laure Jarry, directrice générale de Maison Le Goff (biscuiterie basée dans le Finistère), s’est déjà vu demander par l’enseigne E.Leclerc une baisse de 10 centimes sur le gâteaux breton aux pruneaux « Nos Régions ont du Talent », au motif que les prix de la farine et du beurre avaient commencé à refluer. Alors que la marge brute de la PME a diminué de 10 % depuis le début de l’inflation, l’effort demandé par le groupe de distribution est bien trop grand.
Avec la logique des négociations commerciales qui bloquent les prix pour l’année, ce qui a contribué à faire de la France l’un des pays subissant le moins l’inflation en 2022, il est aujourd’hui conforme à la logique économique que les hausses des coûts de transformateurs se répercutent en 2023 et permettent un salutaire « rattrapage » aux PME. Par ailleurs, l’augmentation des salaires, les projets de décarbonation demandés par le gouvernement, saisissent les industriels à la gorge.
Encore des zones d’ombre
En outre, l’Adepale (Association des Entreprises de Produits Alimentaires Élaborés) déplorait récemment que la situation des entreprises de taille intermédiaire (ETI), et leur prise en compte dans la réouverture des négociations, demeurait floue. Ces entreprises demeurent également très dépendantes des prix des intrants disparates et sont pour certaines engagés par des contrats annuels signés fin 2022, notamment sur l’énergie.
Des éléments qui devront être intégrées dans les négociations si celles-ci sont bien rouvertes.