Exploitations laitières 2010-2020 : des évolutions en trompe l’œil ?

En mars 2023, Agreste Bretagne a publié un dossier sur les exploitations laitières en Bretagne à partir des données du Recensement Agricole (RA) 2020. Un premier numéro d’un ensemble de dossiers qui analyseront l’ensemble des principales filières bretonnes. Agrandissement économique, densification des élevages, développement du salariat et des formes sociétaires : les exploitations laitières ont largement évolué ces dix dernières années. Cependant, le modèle familial, lui, reste largement prédominant.

La comparaison des données du RA peut avoir certaines limites. En effet, la comparaison de deux photographies à dix ans d’écart ne permet pas d’identifier les inversions de tendance qui s’opèrent entre ces deux dates. C’est notamment le cas pour le cheptel laitier. Le RA 2020 perçoit une stabilisation du cheptel laitier entre 2010 et 2020. Or, cette stabilisation cache le fait que le cheptel est en diminution depuis 2019. Ce recul du cheptel laitier concerne tous les départements bretons en 2022, de -1,4 % en Ille-et-Vilaine à -3,3 % en Finistère.

Cependant, un certain nombre d’enseignements peuvent être tirés de l’analyse de ces données, et notamment en ce qui concerne l’avenir de la filière en Bretagne.

Des petites exploitations mais avec une forte densité de vaches

Bien que les exploitations laitières bretonnes aient agrandi leur surface en dix ans, cet agrandissement a été moins important que la moyenne française. Avec une SAU moyenne de 98 ha, elles sont aujourd’hui les exploitations laitières les plus petites juste après les exploitations occitanes. En revanche, le troupeau laitier moyen (77 vaches/exploitation) est supérieur à la moyenne française (70 vaches/exploitation).

Par conséquent, la Bretagne a le ratio moyen vaches laitières/ha de SAU le plus élevé de France (0,79 contre 0,58 en France). En 2010, le ratio était de 0,69 en Bretagne. Il serait intéressant de connaître l’évolution de ce ratio avant et après l’arrêt des quotas laitiers. Toutefois, la relative faible croissance des surfaces et la densification des élevages peuvent être vu comme des preuves de la concurrence foncière agricole qui se joue et qui s’accentue à l’heure où l’élevage breton fait face à une végétalisation progressive de la région.

Des exploitations essentiellement familiales

Malgré le développement des installations hors cadre familial (près d’une installation aidée sur deux en Bretagne en 2022 est hors cadre familial), les exploitations laitières familiales restent très largement dominantes. Dans 94 % des exploitations laitières bretonnes, tous les coexploitants sont apparentés au chef d’exploitation. Par ailleurs, pour les exploitations dont l’exploitant le plus âgé a plus de 60 ans, la reprise familiale représente près de 3/4 des cas de reprises envisagées.

Ainsi, bien que la filière laitière soit la plus attractive en Bretagne (42 % des installations aidées sont en bovin lait en 2022), la difficulté qu’a la filière à attirer des profils hors cadre familial doit interroger pour son avenir.

Le salariat se développe

Une des principales évolutions des exploitations laitières est le développement du salariat, que la main d’œuvre soit familiale ou non. Tout compris, le salariat représente près de 2/3 des ETP hors exploitants, contre seulement 40 % en 2010. Notons que, malgré le développement de ce statut au sein des exploitations laitières bretonnes, les difficultés d’emploi sont présentes et s’accentueront dans les années à venir.

Un vieillissement plus important en Bretagne

Ce n’est pas une surprise, la filière laitière fait face à un vieillissement des éleveurs. Cela est particulièrement le cas en Bretagne. L’âge médian est de 52 ans, ce qui en fait le plus élevé des grandes régions laitières. Par ailleurs, l’âge médian augmente plus dans la région : 6 ans, contre 3 ans en moyenne hors Bretagne. Le vieillissement est légèrement plus important en Finistère, ce qui peut expliquer la décapitalisation plus précoce et plus élevée du cheptel laitier dans ce département. La part des moins de 40 ans est plus importante dans les grandes exploitations* : elle est de 25 % contre 9 % dans les petites exploitations laitières.

Cette attractivité plus importante des grandes exploitations est à mettre en relation avec le développement du statut GAEC sur ces dix dernières années (de 24 % des exploitations en 2010 à 40 % en 2020). Ceci peut aussi expliquer pourquoi le modèle familial reste prédominant. Alors que le nombre d’exploitations a fortement chuté (-30 % en dix ans), et que l’avenir des exploitations en place n’est pas assuré pour toutes, nous pouvons nous demander si ce maintien du modèle familial est ce qui a permis à la filière laitière de rester la première filière bretonne ou si, au contraire, la prédominance de ce modèle freine aujourd’hui les installations et reprises d’exploitations.

*Exploitations ayant une Production Brute Standard (PBS) > 250 000 €. Voir ici pour une définition de la PBS.

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter la publication d’Agreste Bretagne ici.

Rédigé par Olivier Carvin

Chargé de mission Economie - Emploi, référent sur la filière laitière Docteur en économie de l'agroenvironnement. Breton d'adoption. Je mets mes compétences en analyse économique au service de la filière laitière bretonne. Je suis aussi le M. Diffusion de l'équipe.

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