Consommation bio : Raccrocher les décrocheurs

Inflation, accessibilité des produits, méconnaissance et dénigrement du label bio, concurrence avec d’autres démarches commerciales, pratiques incohérentes (produits hors saison ou d’origine lointaine)… Face à ces freins à la consommation, les agriculteurs bio disposent de peu de leviers d’action. Alors, comprendre ce qui entoure l’acte d’achat de produits bio peut aider à retrouver un pouvoir d’action. À l’occasion du salon Tech&Bio en septembre dernier, des chercheurs de l’Inrae ont égrené quelques pistes de réflexion.

Le manque d’informations autour du bio n’est pas tout

Les travaux de l’Inrae nous invitent à considérer les consommateurs selon leur position sur trois axes complémentaires :

  • La matérialité (fréquentation des circuits courts, des enseignements de grande distribution, ratio prix/temps aux achats, mode de consommation hors domicile,…)
  • Les compétences (savoir, temps et budget liés à la cuisine, information sur le signe de qualité bio et la qualité environnementale)
  • Les valeurs (confiance et plaisir pour le bio, perception sociale, écologique et commerciale du bio, locavorisme)

À la lumière de ces trois axes on observe que les deux-tiers des consommateurs ne savent pas ce qu’est un produit bio (18 %) ou en ont une connaissance approximative (47 %). Il est donc encore nécessaire d’améliorer l’information et la confiance dans les produits bio pour inverser la tendance baissière du marché. Mais cela ne suffira pas. Regagner durablement des parts de marché va demander un ensemble d’approches variées, que les producteurs peuvent s’approprier.

Comment garder ses consommateurs bio

Poursuivre ou stopper sa consommation de produits bio a notamment à voir avec son entourage familial et amical. L’influence du conjoint est déterminante : les décrocheurs sont sur-représentés parmi ceux dont le conjoint.e « ne fait pas attention au caractère bio des produits ». L’influence de la famille est également primordiale. Grégori Akermann, qui a mené cette étude avec son équipe à l’Inrae de Montpellier, juge que « les résultats montrent l’importance de l’influence sociale. […] Nouer des liens et capter l’attention du conjoint et des enfants peut être intéressant ».

Les décrocheurs sont également sur-représentés parmi ceux qui n’ont personne ou une seule personne consommatrice de bio dans leur entourage amical. Pour contrer cet isolement relationnel, organiser des moments d’achats et de consommation conviviaux autour de produits bio peut aider à densifier les liens entre acheteurs.

Comment créer le déclic chez les non-consommateurs bio

« Depuis au moins dix ans, quand on regarde les sondages, 80 à 90 % des personnes voudraient consommer local, de saison, en circuit court. […] mais ce qui manque c’est le déclic ». Alors pour aider à franchir le pas, une attention à créer des lieux de vente « pensés comme une combinaison entre vente et convivialité » a de l’intérêt, à l’instar de magasins de producteurs organisant des événements ouverts à tous. « Entrer dans une confiance entre les personnes, c’est plus efficace que de la communication de masse ». D’autant que le soutien de la consommation de produits bio en dehors du cadre domestique est un levier important pour son développement.

Ce questionnement touche du doigt deux stratégies pour les lieux de vente : il peut s’agir de « s’ouvrir à de nouveaux consommateurs mais avec d’autres logiques de consommation comme la recherche de praticité » (« lui, il vient juste chercher son panier et il s’en va »). À l’inverse, il est possible de faire le choix de « se refermer pour renforcer la dimension communautaire et être forts ensemble ». Si les consommateurs peuvent favoriser l’une ou l’autre de ces stratégies, les producteurs doivent avoir conscience de ces effets et affirmer leur posture de commercialisation.

Pour finir, l’effet des réseaux sociaux dans l’adoption ou le rejet de pratiques de consommation de produits bio est affirmé. Si les producteurs ont une marge de manœuvre limitée pour influencer ces dynamiques, ils peuvent en profiter. Des influenceurs se lancent dans la promotion ou la production de produits alimentaires, comme Squeezie et sa kombucha Ciao. « On peut profiter du travail marketing de ces influenceurs pour toucher de nouveaux publics » comme les jeunes consommateurs dans le cas présent.

Pour aller plus loin : le lien de téléchargement de la présentation au salon Tech&Bio.