Agrial et Terrena, les enjeux d’une fusion historique

Agrial et Terrena ont annoncé un projet de rapprochement pour former une nouvelle entité, sous réserve que les adhérents et l’autorité de la concurrence acceptent ce projet. Bien que les contours exacts de ce projet sont encore méconnus, la fusion des deux coopératives donnerait naissance à un géant de l’agroalimentaire du Grand Ouest. En lait, cette fusion pose des question en particulier pour l’avenir de Laïta.

Une fusion inéluctable ?

« Agrial et Terrena réfléchissent ensemble à un projet agricole et agroalimentaire pour les générations futures ». C’est ainsi que Terrena titre le projet de fusion entre les deux coopératives. Encore au stade de proposition, ce projet sera soumis au vote des adhérents en Assemblée générale au cours de l’année 2026 à l’issue de multiples réunions d’informations et échanges avec les adhérents. Toujours d’après le communiqué de Terrena, le projet s’articule autour de trois fondements : mutualiser les expertises et les capacités d’innovation, capitaliser sur la complémentarité de leurs activités et renforcer l’accompagnement des adhérents.

Si l’annonce a été une surprise pour les représentants de la profession agricole tout comme pour les représentants des salariés, elle s’opère dans un mouvement général de fusions de coopératives qui existe depuis des décennies. Terrena et Agrial sont elles-mêmes nées de fusions de trois coopératives chacune, en 2000 pour Agrial et en 2004 pour Terrena. Dans un contexte de concurrence internationale et de baisse du nombre d’agriculteurs, ce type de fusion est « inéluctable » selon une adhérente éleveuse en Bretagne.

Un acteur majeur du lait dans le Grand Ouest

Initialement, Agrial était uniquement impliquée dans la collecte laitière pour Savencia. Elle a progressivement pris de plus en plus de poids dans la transformation, à travers diverses acquisitions à partir du début des années 2010. Notamment, le rachat de la laiterie Coralis près de Rennes. C’est finalement la fusion avec Eurial en 2016, faisant de cette dernière la branche lait d’Agrial, qui donne un poids important à la coopérative dans la production laitière française. En 2024, la branche lait d’Agrial représente ainsi plus de 40 % de son CA global, tandis que pour Terrena elle ne représente que 10 %. Les chiffres d’affaires cumulés des branches lait d’Agrial et Terrena représentent environ 3,5 milliards d’euros, ce qui placerait la nouvelle coopérative derrière Sodiaal (5,8 Mds), Savencia (6,9 Mds) et surtout Lactalis (27,9 Mds) mais la positionnerait malgré tout dans le top 10 européen.

En Bretagne, la nouvelle coopérative serait alors présente sur l’ensemble du territoire, Agrial étant surtout présente sur la zone nord de Rennes, tandis que Terrena, via sa participation à Laïta, est indirectement présente sur les autres territoires bretons.

Quel avenir pour Laïta ?

L’implication de Terrena dans la production laitière se situe dans sa participation dans Laïta, coopérative laitière créée en 1991 et issue du rapprochement entre trois coopératives : Even, Eureden et Terrena. Cette dernière détient 31 % des parts de Laïta. En dehors de la fromagerie d’Ancenis (44) qui transforme environ 10 % du lait collecté, tous les sites industriels de Laïta sont localisés en Bretagne.

Selon Christophe Miault, président de la commission lait de Terrena, ce projet de fusion entre les deux coopératives ne remet pas en cause la participation de Terrena dans Laïta. Au contraire, ce projet « le confortera par un approvisionnement en lait consolidé et un renforcement financier ». Sous-entendu, la nouvelle entité pourrait avoir un poids plus important dans Laïta ?

Un équilibre menacé ?

La participation de chacune des trois coopératives est pourtant encadrée. Fin 2024, Even avait d’ailleurs réussi à négocier un développement possible de sa collecte tant que cela n’outrepassait pas les capacités de transformation de Laïta, une possibilité que n’ont pas les deux autres coopératives. En contrepartie, Eureden et Terrena ont acquis le droit d’augmenter les ristournes envers leurs adhérents. Cet accord avait ainsi permis de mettre fin à un conflit de plusieurs années sur le partage de la valeur entre les éleveurs adhérents des différentes coopératives. La fusion entre Terrena et Agrial pourrait alors bousculer à nouveau cet équilibre.

La nouvelle entité devra aussi composer pour que les éleveurs collectés pour Laïta ne se sentent pas lésés comparé à ceux collectés pour les sites d’Agrial. Au 1er juillet 2025, la moyenne sur 12 mois du prix du lait conventionnel payé aux éleveurs était de 486,73 €/1 000 litres pour les éleveurs de Laïta, tandis qu’il était de 491,55 €/1 000 litres pour les éleveurs Bretagne-Pays de la Loire d’Agrial, selon l’Observatoire du prix du lait de L’Éleveur Laitier.

Quoi qu’il en soit, ce projet de fusion est un rappel que, dans un contexte de baisse de l’élevage et de développement des centrales d’achats européennes, les transformateurs ont aussi des marges de manœuvres pour regagner du poids dans les négociations avec la distribution.