Quelle production française de fruits et légumes en 2040 ?

Le Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire (MASA) a commandité une étude prospective afin de construire des scénarios d’évolution de la filière fruits et légumes à l’horizon 2040. Depuis plusieurs années, cette filière décroche face à la progression des importations, en provenance notamment de l’Espagne et du Maroc. À cette pression concurrentielle s’ajoutent plusieurs défis tels que les aléas climatiques fréquents, les restrictions croissantes sur les produits phytosanitaires ou encore l’évolution des habitudes alimentaires.

Réalisée par CERESCO et Agroclimat 2050, cette étude s’est déroulée en trois phases :
– le diagnostic : « Que s’est-il passé »,
– l’élaboration des scénarios : « Que va-t-il se passer ? »
– les recommandations : « Que faire ? ».

Des modèles diversifiés

Le champ de l’étude couvre un ensemble de filières aux caractéristiques très hétérogènes comme les fruits et légumes frais et transformés, la pomme de terre fraîche et transformée ainsi que les fruits à coques. Les modèles de production sont très diversifiés : production de plein champ, maraîchage diversifié, cultures sous serre, cultures annuelles ou pérennes, fruits et légumes destinés à l’industrie ou à la consommation en frais. Cette diversité est une force, notamment pour répondre à la pluralité des attentes des consommateurs. Toutefois, c’est aussi un défi pour la filière. La diversité des productions multiplie en effet les problématiques : adaptation des solutions de mécanisation, de biocontrôle…. ce qui complique les réponses possibles.

Quatre scénarios prospectifs

A partir d’un diagnostic, un groupe de travail constitué d’acteurs économiques, d’acteurs de la recherche ainsi que des administrations, a élaboré un système de dix-neuf variables en cinq composantes (contexte, action publique, production agricole et agroalimentaire, économie et marchés, représentations et comportements). C’est à partir de ce système que le groupe a élaboré quatre scénarios.

Scénario de la « Souveraineté alimentaire européenne »

Ce scénario aboutit au renforcement de la souveraineté alimentaire européenne. Il s’appuie sur une spécialisation des bassins de production, au prix notamment d’une moindre diversité. Cette spécialisation expose les exploitations en monoculture à une plus grande vulnérabilité, notamment face aux effets du changement climatique, à l’augmentation des ravageurs et à la propagation des maladies. Les filières des fruits et légumes d’industrie sont les grandes gagnantes de ce scénario car la transformation permet de valoriser les produits dégradés par les aléas climatiques.

Scénario de la « Prise de conscience écologique »

Ce scénario fait suite à une crise sanitaire et environnementale qui pousse l’Europe à lancer un plan de préservation de ses ressources naturelles et stratégiques, en particulier l’eau. La filière bio devient la norme tandis que les autres producteurs évoluent vers des pratiques plus durables. Toutefois, les rendements et la qualité des produits deviennent très variables. Ce scénario nécessite la mise en place d’un soutien financier des producteurs.

Scénario « du blé, du blé, du blé …! »

Dans un contexte de mondialisation accrue qui entraîne la recherche de compétitivité, les États lèvent un certain nombre de contraintes réglementaires. Ce changement favorise la concentration des exploitations. Le nombre d’exploitations en fruits et légumes se réduit fortement au profit de grandes entreprises agricoles orientées vers la production de grandes cultures. Certaines filières résistent, notamment les fruits et légumes dédiés à la transformation, les serres et l’agriculture verticale à proximité des agglomérations.

Scénario de la « Reconquête opportuniste »

Dans un contexte social marqué par une hausse de la précarité, la France lance un plan ambitieux de reconquête des fruits et légumes. Elle envisage de devenir le premier fournisseur de vitamines naturelles pour l’Europe. Elle tire parti du changement climatique pour gagner des parts de marché sur ses voisins du sud. Des aides incitatives à l’installation et à la reconversion d’actifs d’autres secteurs sont mises en place. Il existe une grande diversité d’exploitations. De nouveaux producteurs se sont orientés vers des petites exploitations. D’autres, au profil plus technique, ont investi dans des entreprises plus compétitives.

Quatre axes stratégiques

A partir du diagnostic et de l’analyse des quatre scénarios, il apparait que le niveau de résilience des filières est contrasté face aux effets du changement climatique. Il sera nécessaire de préparer les différentes filières à la multiplication et à l’intensification des aléas climatiques extrêmes qui peuvent menacer les productions. Ces évolutions climatiques peuvent aussi constituer une opportunité à saisir pour gagner des parts de marché sur d’autres pays, comme l’Espagne par exemple.

Plusieurs axes stratégiques ont donc été identifiés :
– L’adaptation au changement climatique ;
– Le renouvellement des générations et le renforcement de l’attractivité des métiers ;
– La dynamisation de la consommation et son recouplage avec la production nationale (réorienter la demande vers de l’origine France) ;
– Le renforcement de la compétitivité et la structuration des filières.

Dans la poursuite du travail, ces axes stratégiques doivent être déclinés par filière et/ou territoire pour être adaptés aux différentes réalités du terrain. Les scénarios et les recommandations qui en découlent devraient faire l’objet d’échanges entre les différents acteurs des filières.

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