Exportations françaises de légumes vers l’Espagne : conjoncturelles ou prometteuses d’avenir?

Les importations espagnoles de légumes progressent, ce qui profite en partie à la France. En parallèle, la production espagnole de légumes recule. Cette situation va-t-elle durer et pourra-t-elle profiter à la production française ou même bretonne ?

L’Espagne importe de plus en plus de légumes, soit 2,14 millions de tonnes en 2024, en hausse de 12 % par rapport à 2023. Ils proviennent pour les ¾ de l’UE à 27 (+12 %). La France se place en premier fournisseur avec 48 % des volumes, suivie du Maroc et du Portugal. L’Espagne importe majoritairement des pommes de terre (60 % du total), en provenance pour les trois quarts de France. Les tomates représentent 10 % du total, en provenance principalement du Portugal et du Maroc, alors que les oignons (6 %) proviennent surtout des Pays-Bas.


Les importations espagnoles de légumes en provenance de France ont augmenté de 21 % en un an. Cette hausse est portée notamment par les pommes de terre (+22 %), probablement destinées en grande partie aux usines de transformation (chips, frites ...). Les haricots verts suivent avec une hausse de 23 % sur un an. L’approvisionnement espagnol en provenance du Maroc est plus diversifié, mais reste dominé à 77 % par trois produits : poivrons, haricots verts et tomates. Une tendance similaire se retrouve pour les importations en provenance du Portugal, où les tomates, pommes de terre et maïs doux représentent à eux seuls les deux tiers des légumes achetés par l’Espagne.

L’Espagne : 2e client de la France en volume

Les exportations françaises de légumes progressent de 27 % en trois ans. Elles sont destinées à 95 % aux pays de l’UE. L’Espagne est notre deuxième client en volume (derrière la Belgique), mais le premier en valeur. A eux deux, ces pays totalisent la moitié des ventes françaises.

L’Espagne : 1er client de la Bretagne pour les légumes

Sur un an, les exportations bretonnes de légumes frais augmentent de près de 9 % en volume et de 6 % en valeur. En valeur la croissance est similaire vers les pays de l’UE et les pays tiers. En revanche, en volume, la hausse est nettement plus marquée vers les pays de l’UE (+14 %) que vers les pays tiers (+3 %). Les achats de l’Espagne augmentent fortement sur un an, avec +46 % en valeur et en volume. L’Espagne devient ainsi la première destination en volume des légumes bretons (11 % des volumes exportés). Elle détrône l’Allemagne, qui occupait cette place les années précédentes. Cependant, en valeur, l’Espagne est au cinquième rang, derrière l’Allemagne et l’Italie.

Une production espagnole en perte de vitesse ?

Selon la FAO, l’Espagne recule au onzième rang mondial des producteurs de fruits et légumes, après une huitième place en 2020. Elle a été dépassée par l’Indonésie, l’Égypte et l’Ukraine. L’Espagne maintient tout de même sa place de premier producteur de légumes dans l’UE. Elle représente plus d’un quart de la production communautaire, suivie par l’Italie (24 %) et la France (10 %).


Les surfaces espagnoles en légumes ont progressé de 15 % entre 2013 et 2021, avant de subir une forte baisse en 2022 (-30 000 ha soit -8 % sur un an). Elles se sont ensuite stabilisées en 2023 et 2024. La production, quant à elle, a progressé de 22 % entre 2013 et 2021. Mais elle a reculé de 12 % par la suite, en raison des températures élevées et d’un manque d’eau en 2022 et 2023. Grâce à des conditions climatiques plus favorables et à des surfaces stabilisées, la production espagnole a retrouvé des couleurs en 2024, enregistrant une hausse de 9 %.

Quelle production espagnole de légumes en 2025 ?

Un premier facteur de pression sur la production espagnole de légumes, concerne la hausse du salaire minimum brut. Il progresse de 4,4 % en 2025 pour atteindre 1 184 €/mois. La Fepex (Fédération des importateurs et exportateurs espagnols) souligne l’écart avec les salaires agricoles dans les pays concurrents : 276 € au Maroc (276 €) et 870 € au Portugal. Malgré une hausse de 61 % depuis 2018, le salaire espagnol reste toutefois inférieur au salaire minimum français.
La campagne 2025 s’annonce compliquée. Les inondations survenues fin 2024 ont touché plusieurs régions du sud de l’Espagne. Un syndicat agricole espagnol signale d’importantes pertes de récoltes, notamment en laitues, brocolis et choux-fleurs. Cela concerne surtout les régions de Murcie et d’Andalousie, principales zones de production de tomates. La province d’Huelva, zone de production de fraises sous serres, a subi des vents violents, causant des dommages à de nombreuses installations.

Côté prévisions, en 2025, les surfaces espagnoles cultivées en pommes de terre et en épinards augmenteraient de 3 à 5 % en 2025. En revanche, les surfaces reculent pour d’autres légumes, notamment les oignons, potimarrons et endives, avec une baisse pouvant aller jusqu’à 12 % pour les tomates.

Compte tenu de ces facteurs, les campagnes 2022, 2023 et maintenant 2025 annoncent-elles un tournant pour la production légumière espagnole ? La filière française, en particulier bretonne, pourra-t-elle tirer profit d’une éventuelle hausse de la demande espagnole, malgré des contraintes de production plus élevées que le modèle espagnol ?