Une filière laitière bretonne résiliente ?
Première filière agricole et agroalimentaire de Bretagne, la production laitière souffre cependant d’un recul de son cheptel, qui finit par impacter la collecte. Une étude comparative réalisée par la Chambre d’agriculture de Bretagne montre que la production laitière régionale se distingue des autres régions du Grand Ouest sur deux aspects : un recul du cheptel dans des zones en fortes densités dès la période de spécialisation régionale et une hausse de la productivité par vache plus faible. Toutefois, la forte densité laitière sur l’ensemble du territoire en fait une filière résiliente.
Une étude comparative des productions laitières
Bien que la production laitière représente la filière la plus importante de la Bretagne en termes de valeur produite, et que la Bretagne soit la première région laitière de France, l’inquiétude grandit au sein de la filière régionale. En effet, la décapitalisation, commencée en 2019, ne ralentit toujours pas en 2024 (-2,5 % de vaches laitières entre le 30/09/2023 et le 30/09/2024). Ce phénomène a fini par impacter la collecte laitière. Stabilisée depuis presque dix ans entre 5,3 et 5,5 Mds de litres de lait, la collecte bretonne a chuté en 2023, passant à 5,16 Mds, soit une baisse de 3,6 % en comparaison à 2022.
A titre de comparaison, en Normandie, la collecte n’a reculé que de 0,3 % sur la même période, et le recul du cheptel laitier normand est aussi moins prononcé (-1,1 % en 2023). Est-ce le signe d’un déclassement de la production laitière bretonne ? Est-ce que la cause de ce phénomène est un manque de compétitivité des exploitations laitières bretonnes ? Afin d’apporter des éléments de réponse, une étude réalisée par la Chambre d’Agriculture a comparé et analysé les évolutions des cheptels laitiers bretons, des autres régions du Grand Ouest et des principaux pays producteurs de lait en Europe. En voici les principaux éléments. Cette première partie se concentre sur les caractéristiques de la production bretonnes comparée aux autres régions du Grand Ouest.
La Bretagne : une région à forte densité laitière
Bien que les territoires ayant la plus forte densité laitière soient à la croisée des trois régions du Grand Ouest, la Bretagne a la particularité d’avoir une densité laitière importante sur l’ensemble de son territoire, tandis que plus de la moitié des EPCI normandes et ligériennes ont une densité de vaches laitières inférieure à 0,1 vache/ha.
Une déprise plus précoce
Suite à l’ouverture progressive des quotas laitiers, à partir de la fin des années 2000 jusqu’en 2015, certaines régions Françaises ont bénéficié d’un effet « spécialisation » de la production laitière. C’est le cas de la Bretagne comme des autres régions du Grand Ouest. Toutefois, certains territoires bretons en centre Bretagne et dans les zones côtières du sud-ouest de la région ont connu une décroissance du nombre de vaches laitières avant même la crise laitière de 2015-16. Ces territoires avaient pourtant une densité importante en 2008 mais n’ont pour autant pas bénéficié de la spécialisation géographique de la production laitière.
Cette déprise dans des territoires historiquement laitiers, que n’ont pas connue les deux autres régions avant 2017, a pu accentuer un sentiment de déclassement de la Bretagne.
Une moindre hausse de la productivité en Bretagne
Une autre singularité bretonne est l’accroissement relativement plus faible de la croissance de collecte par exploitation en Bretagne par rapport aux autres régions. En raison, la croissance de la productivité des vaches laitières en Bretagne a été beaucoup moins importante que dans les autres régions du Grand Ouest. Une des pistes d’explication est l’alimentation des bovins qui diffère entre la Bretagne et les deux autres régions. Selon les données du Rica, les charges en alimentation bovine par tête des exploitations laitières spécialisées sont en effet, en Bretagne, respectivement, 10 % et 17 % inférieures à celles des mêmes exploitations en Pays de la Loire et Normandie.
Ce travail montre donc que, au-delà du sentiment de déclassement, la filière laitière bretonne a plusieurs caractéristiques qui sont facteurs de résilience. D’une part, la forte densité de la production laitière et des outils de transformation sur l’ensemble du territoire régional, alors la production est beaucoup plus localisée dans les deux autres régions du Grand Ouest. D’autre part, les élevages bretons se distinguent par des dépenses alimentaires moins élevées. Cette stratégie peut constituer un facteur de résilience supplémentaire, notamment en cas de fortes hausses des charges comme ce fut le cas en 2022-23.
Vous pouvez lire le rapport de l’étude réalisée par la Chambre d’agriculture de Bretagne en cliquant ici.