Sodiaal, vers plus de valeur(s)

La Bretagne est une région essentielle pour Sodiaal, tout comme Sodiaal est un acteur essentiel de la filière laitière bretonne. Avec près 2 300 exploitations et 1,41 Md de litres collectés en Bretagne, la coopérative représente plus du quart de la collecte bretonne. De même, la région est un bassin majeur de la production de Sodiaal, puisqu’un litre sur trois de la coopérative est collecté en Bretagne. C’est donc tout naturellement qu’elle a choisi Loudéac parmi ses étapes de son tour de France organisé pour présenter son nouveau plan national : « Grandir ensemble ».

Les huit sites de collecte et de transformation de Sodiaal en Bretagne. Le plus gros, Entremont à Montauban-de-Bretagne collecte et transforme à lui seul 500 millions de litres de lait par an.

Profitabilité et durabilité : les valeurs de Sodiaal

Ce sont les deux valeurs piliers de ce nouveau plan de développement. L’entreprise a aussi présenté les valeurs de la culture Sodiaal, en particulier l’audace et l’exigence. Mais derrière ces valeurs, le discours des dirigeants tourne surtout autour de la notion de la valeur. Mieux valoriser le lait, c’est désormais le credo de Sodiaal. Et cela passe notamment par les marques.

Un exemple qui fait la fierté de la coopérative : Nature de Breton. Sodiaal développe cette marque depuis trois ans, en pleine conjoncture inflationniste, à contre-courant des tendances de consommation actuelles, orientées vers les MDD. Ce beurre est fabriqué sur le site de Candia à Quimper, duquel sort près de la moitié du beurre produit par Sodiaal en France. Toutefois, bien qu’il s’apprête à devenir la 2e marque bretonne de beurre en valeur, Nature de Breton ne représente qu’1 % des parts de marchés en GMS, bien loin des volumes vendus sous MDD par la coopérative. La marque ne représente que 5 à 6 % environ des volumes produits par le site de Quimper.

Investir pour mieux valoriser

Mais alors, comment concilier la recherche de valeur avec des volumes aussi importants en MDD ? Principalement par le biais de la recherche d’optimisation dans les usines, répond Antoine Colette, Directeur Général de Sodiaal. L’occasion, pour l’industriel, de présenter les nombreux investissements qui ont été réalisés entre 2019 et 2024. C’est notamment le cas pour l’usine d’Entremont à Montauban-de-Bretagne, qui a bénéficié de 20 millions d’euros d’investissements afin d’installer une nouvelle ligne robotisée ainsi qu’une nouvelle station de nettoyage. Et de rappeler qu’un centime par litre perdu sur la production d’emmental, ce sont 20 millions d’euros perdus par an par la coopérative. Au global, 189 millions d’euros ont été investis par Sodiaal lors des cinq dernières années en Bretagne.

Trouver des nouveaux marchés

Un autre point clé pour concilier MDD et valorisation : la recherche de nouveaux marchés. S’il n’est pas possible de vendre plus d’emmental en France, Sodiaal peut en revanche développer sa valorisation fromagère à travers le fromage à raclette. Là encore, les investissements sont la clé. Avec 26 millions d’euros d’investissements, le site de production à Loudéac a pu augmenter ses volumes de 20 % à partir de 2023, la production annuelle passant de 15 000 tonnes à 18 000 tonnes, soit plus du tiers de la production française. De quoi répondre à une demande nationale croissante, celle-ci ayant augmenté de 6,5 % en six ans. Et si la demande n’est pas là, alors il faut la créer. C’est tout l’objectif des essais de fromage à raclette pour croques et burgers, afin de désaisonnaliser la consommation de ce fromage.

Par ailleurs, le géant laitier cible l’international. En particulier, Sodiaal souhaite étendre sa présence sur le marché du lait infantile. Le partenariat avec Arla Foods signé cet été 2024 en est un signe. La coopérative danoise confie sa production de lait infantile à une filiale de Sodiaal, notamment dans l’objectif d’accroitre son offre en Chine. Toutefois, le marché chinois du lait infantile n’est plus suffisant : en cumul de janvier à septembre 2024, les importations chinoises de poudre de lait infantile ont reculé de
14,8 %/2022. Le marché américain est donc désormais visé par Sodiaal. L’enjeu est majeur pour la production bretonne. L’usine de Carhaix est en effet un site de production important de poudre de lait infantile. Toujours dans une optique de développement de Sodiaal à l’international, nous pouvons citer l’acquisition des activités de Yoplait au Canada, dont le rachat auprès de General Mills sera finalisé début 2025.

Plus de marques mais moins de segmentation

Il faut produire ce qu’on vend. C’est par ces mots qu’ont répondu les dirigeants de Sodiaal à l’interrogation des administrateurs concernant l’abandon du lait de pâturage. Même constat pour le lait non-OGM. Avec l’inflation, les consommateurs n’ont plus les mêmes exigences. Un autre argument avancé est que la multiplication des segmentations entraine la multiplication des coûts, notamment avec le besoin d’avoir des tanks spécifiques. Or, les distributeurs ne souhaitent plus prendre en charge ces coûts supplémentaires lorsqu’il s’agit de MDD segmentée, étant donné que les consommateurs ne suivent plus. Ainsi, la règle selon laquelle il faut segmenter pour avoir de la valeur a déjà fait son temps.

Pour autant, Sodiaal ne compte pas abandonner le bio. La collaboration avec Arla Foods sera un levier de valorisation supplémentaire de la production bio qui devrait permettre à Sodiaal d’être à l’équilibre entre offre et demande. En 2024, toutes entreprises laitières confondues, 40 % du lait bio est non valorisé, donc déclassé, au niveau national.

« Acheter Sodiaal est un acte militant »

Ce sont les mots martelés par Antoine Colette. La coopérative se positionne ainsi en opposition à Lactalis, dont l’annonce de réduction de collecte a fait couler de l’encre. Chez Sodiaal, les producteurs ne peuvent pas être licenciés, selon Jean-Michel Javelle, président de la coopérative.

Mais Sodiaal ne s’est pas positionné pour reprendre des éleveurs concernés par cette annonce. La priorité est de continuer d’accroître la valorisation et de laisser l’opportunité aux exploitations adhérentes de se développer. Toutefois, la coopérative est bien en recherche de nouveaux éleveurs. Ainsi, en 2019, la coopérative avait ciblé l’objectif d’avoir 1 000 installés d’ici 2025 à travers son outil « Sodiaal box ». Cet objectif a été largement atteint, puisque 1 200 nouveaux installés ont intégré la coopérative depuis. Objectif dépassé… mais résultat insuffisant. Aujourd’hui l’ambition de Sodiaal est d’atteindre 250 à 300 installations par an, afin de compenser les 400 à 500 éleveurs qui cessent leur activité chaque année.

Enfin, le militantisme de Sodiaal passe aussi par la mise en avant de la production française. Ainsi, la coopérative s’est mobilisée contre les importations d’emmental, en hausse de 10 % sur les neuf premiers mois de 2024.

Le plan de Sodiaal pour les années à venir est donc ambitieux, avec notamment la volonté de doubler les investissements. Preuve que la coopérative a su rebondir, après plusieurs années difficiles. Cela se ressent sur le chiffre d’affaires (+ 6 % en 2023), mais aussi sur le prix payé aux producteurs. Celui-ci a augmenté de 30 %. En 2022, le prix payé par Sodiaal était 10 à 15 €/1 000 litres inférieur au prix payé par les autres laiteries. En moyenne sur les douze derniers mois, il est aujourd’hui 10 à 15 € au-dessus. Il faut espérer que cette recherche de valeur continuera de profiter aux éleveurs à l’avenir.

Rédigé par Olivier Carvin

Chargé de mission Economie - Emploi, référent sur la filière laitière Docteur en économie de l'agroenvironnement. Breton d'adoption. Je mets mes compétences en analyse économique au service de la filière laitière bretonne. Je suis aussi le M. Diffusion de l'équipe.

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