Le consommateur français fera-t-il bientôt des omelettes sans casser des œufs ?
Avec l’expansion de la grippe aviaire, la production d’œufs mondiale diminue. Ce recul va-t-il faire le bonheur des entreprises de fabrication de substituts d’œufs ? Aujourd’hui une poignée de start-up proposent des substituts végétaux à l’œuf sous différentes formes.
Un recul de la production mondiale d’œufs
La diminution de la production mondiale d’œufs (-0,3 %) en 2022 par rapport à 2021 devrait se poursuivre en 2023. Aux Etats-Unis, 3e pays producteur mondial d’œufs, la production a diminué de 2,5 % en 2022. Ce recul s’amplifie début 2023, avec au mois de janvier une chute de 6,4 % par rapport à janvier 2022. Compte tenu de la tension d’approvisionnement, le prix des œufs sur le marché nord-américain au détail a été multiplié par trois entre décembre 2021 et décembre 2022.
Un marché des substituts en hausse de 14 % aux Etats-Unis
En parallèle, le prix de des substituts des œufs diminue, permettant à ce marché de se développer aux Etats-Unis. En 2022, il affiche une progression annuelle de 14 % bien que les prix de vente de ces produits soient encore élevés. Le marché nord-américain représenterait la moitié du marché mondial des substituts d’œufs. Selon les données SPINS rapportées par Food Navigator, 81 % des acheteurs du substitut végétal Just Egg continuent d’être des acheteurs d’œufs coquilles. Cependant, 10 % ont arrêté d’en consommer.
Des « œufs » végétaux
Une quinzaine de start-up dans le monde proposent aujourd’hui des substituts d’œufs. Le blanc peut-être remplacé par de la protéine de pomme de terre et de la fibre de lin, aux propriétés coagulantes. Le jaune peut-être remplacé par de la protéine de pois et de l’huile végétale pour le jaune. Enfin, pour remplacer un œuf entier, les fabricants utilisent de la protéine de colza et de fèves, et de la farine de riz. Aux Etats-Unis, l’entreprise Eat Just en produit à partir de protéines de haricots mungo ou de fèves, et en Allemagne les produits de Perfeggt sont à base de pois.
Des start-up hexagonales
En France, on compte deux start-up créées en 2019, Yumgo et Papondu. L’entreprise parisienne Yumgo, créée par le boulanger-pâtissier Rodolphe Landemaine, propose trois substituts liquides (à base de pois et de pomme de terre) à des épiceries véganes ou aux professionnels. Après avoir reçu un prix au Sirha Green en décembre 2022 pour le Yumgo entier, la société a reçu le prix Plant-Based Taste Awards pour son blanc d’œuf 100 % végétal.
La seconde start-up française, Papondu, fondée par deux jeunes diplômées, propose pour l’instant le Papondu battu. Composé de sept ingrédients, dont des féveroles et un concentré de carotte et de potiron, il est pour l’instant commercialisé sur un site de spécialités véganes. D’autres formats liquides en bouteille sont en cours d’élaboration. Cette jeune entreprise projette aussi de mettre au point un produit qui imite visuellement l’œuf. Pour l’instant, proposé dans une « coquille » plastique, les entrepreneuses cherchent à mettre au point une « coquille » recyclable.
Un développement potentiel ?
Pour l’instant anecdotique en termes de nombre d’entreprises et de volumes produits en France, quelles sont les perspectives d’évolution de ce marché ? Les substituts d’œufs peuvent répondre à des envies de végétalisation de la consommation, mais le véganisme concerne seulement 1,5 % de la population française. Ces produits peuvent-être aussi une réponse à des problèmes d’allergies alimentaires aux œufs qui touchent en France 9,5 % de la population infantile. Cependant, le prix de ces substituts peut présenter des freins à un fort développement de leur consommation.
Les consommateurs français plébiscitent l’œuf
Ainsi ces substituts ne constituent pas à l’heure actuelle une réelle concurrence vis-à-vis de l’œuf. Non seulement le marché français de l’œuf ne présente pas de signe de faiblesse, mais les quantités d’œufs achetés par les ménages progressent même de 3,9 % en décembre 2022 par rapport à décembre 2021 et les dépenses de 22,3 %.
En cette période d’inflation généralisée, le prix au détail de l’œuf augmente de 17 % en 2022 par rapport à 2021. Sur la même période, le prix de la viande a augmenté de 14 % selon FranceAgriMer. L’œuf reste donc malgré tout une protéine abordable. C’est bien son positionnement prix favorable qui soutient la consommation, comme le montre le contre-exemple de l’œuf bio. Alors qu’au SIAL 2022, 24 % des innovations présentées concernaient des substituts végétaux, les performances sont encore loin de convaincre : en France, le marché des substituts végétaux aurait perdu 0,8 % en valeur au 1er semestre 2022 par rapport au 1er semestre 2021.
Quelle disponibilité en matières premières ?
Dans l’hypothèse où la demande du consommateur français en substitut d’œuf augmenterait, la disponibilité en matières premières françaises sera-elle suffisante pour en assurer l’approvisionnement ? Ce marché peut-il présenter des opportunités pour la Bretagne ?