Bretagne : Terre d’élevage, terre d’abattage
Lors du Sommet de l’élevage 2023, le gouvernement a lancé le plan de reconquête et de souveraineté de l’élevage. Préalablement à la mise sur pied d’une instance régionale de suivi des abattoirs en mars 2024, la Draaf Bretagne a mené un état des lieux du maillage territorial en outils d’abattage de boucherie.
Première région d’élevage pour la viande, la Bretagne fournit plus du tiers (36 %) des animaux finis en France (en téc, tonne équivalent carcasse). Parmi les animaux de boucherie, qui représentent les trois-quarts de ces animaux finis, le cheptel porcin représente 90 % des volumes. Pour les bovins, la région peut compter sur son important cheptel laitier. Le veau de boucherie, en perte de vitesse depuis plusieurs années, classe la région derrière les Pays de la Loire et la Nouvelle-Aquitaine.
Une forte capacité d’abattage
En conséquence, la région dispose d’un maillage dense d’outils d’abattage, unique en France. Fin 2023, on y comptait 26 sites d’abattage de boucherie. L’ensemble des outils est relativement bien réparti sur le territoire. Cela permet généralement de contenir à 100 km les distances de transport aux abattoirs effectifs. Le nord-Finistère, qui a vu la fermeture d’abattoirs en porc et bovin et dont le cheptel laitier intéresse des acteurs hors région, fait figure d’exception avec des distances moyennes entre 100 et 200 km.
Les outils de grande capacité sont surreprésentés. Ainsi, la Bretagne compte dix abattoirs de porc d’une capacité de 50 000 téc sur les quinze que compte la France, le premier outil français d’abattage de veaux et trois des cinq plus grands abattoirs de gros bovins.
Une décapitalisation qui fragilise les modèles économiques
« Depuis le mois de septembre [2023], un abattoir ferme tous les mois [en France] »
Yves Fantou, président de Culture Viande, conférence de presse du 20 février 2024
Comme le laissent entendre les prises de paroles des professionnels du secteur et l’actualité récente, la situation dans la filière s’est aggravée depuis plusieurs mois.
Le phénomène de décapitalisation qui touche les cheptels bovins et porcins frappe de plein fouet les entreprises. Toutefois, pour le secteur du porc, la situation est plus récente : le pic d’abattage avait été atteint courant 2020. Des éleveurs ayant prolongé leur activité après le covid y ont mis fin avec l’envolée du coût de l’aliment.
Malgré tout, pour les sites petits à moyens, la conjoncture est hétérogène avec des baisses, des stagnations voire des hausses d’activité. En revanche, tous les grands outils d’abattage bretons accusent une baisse d’activité, variant selon leur capacité à aller capter des animaux plus loin. Leur envergure les oblige à étendre leur zone d’approvisionnement en-dehors des limites régionales pour s’assurer un volume d’activité suffisant. Logiquement, les animaux normands et ligériens sont très représentés mais des flux d’origines lointaines sont notifiés. C’est ainsi que la décapitalisation à l’œuvre en France participe à fragiliser les outils d’abattage bretons.
La transformation pour équilibrer
Du point économique, les professionnels bretons décrivent leurs abattoirs comme unanimement « dans le rouge ». Plus exactement, ce sont les structures assurant uniquement une activité d’abattage qui sont le plus en difficulté. La présence d’une unité de transformation permet, elle, d’équilibrer des situations.
Ainsi, pour sauver ce que la Draaf décrit comme le « potentiel considérable du maillage en abattoir de la région », des rénovations et des reprises sont à l’étude.
Cependant, il reste la question de l’abattage rituel qui engendre des engorgements au moment de l’Aïd el-Kébir, qui a lieu mi-juin cette année. Les capacités sont déjà limitées en Bretagne pour ce type d’abattage et se réduisent. Notamment, SVA qui y a mis fin en 2022 sur ses deux sites (Vitré (35) et Trémorel (22)). Des animaux sont alors abattus dans d’autres régions pour compenser.
Installée pour suivre le déploiement en Bretagne du plan national « Stratégie abattoir », l’instance de suivi des abattoirs réunit services de l’État, professionnels des secteurs et institutions concernées. Partant de ce diagnostic, un travail de caractérisation des abattoirs en difficulté sera mené pour leur proposer des réponses adaptées. Parmi celles-ci un fonds de 50 M€ sous forme de Prêts Garantis par l’État est prévu à l’échelon national pour mettre aux normes les outils qui le nécessiteraient. Les professionnels critiquent cette mesure, rappelant les besoins des entreprises en ressources de « haut de bilan » (capitaux propres) plutôt qu’en « bas de bilan » (emprunts).