Malgré l’inflation, le « mieux manger » séduit toujours
Crise climatique, inflation, guerre en Ukraine et effets encore palpables du Covid : 2022 sera décidément l’année de tous les défis. Alors que le moral des Français est en berne, que la peur de l’inflation incite certains acheteurs à baisser en gamme, l’heure est à l’inquiétude pour les producteurs et industriels ayant fait le pari de la qualité supérieure, et donc de prix à la vente souvent plus élevés.
Les instituts spécialisés dans le suivi de la consommation (IRI, Kantar Word panel…) ont récemment présenté leurs derniers chiffres pour nous aider à décrypter cette situation instable, en nous rappelant qu’une reprise doit s’anticiper et que les efforts de montée en gamme méritent d’être maintenus.
L’alimentation : une variable d’ajustement limitée
Dans un contexte de budget contraint, les consommateurs ont deux solutions : acheter moins et/ou acheter moins cher, baissant ainsi en gamme. IRI soulignait début octobre pour le magazine LSA que l’impact en volumes sur l’alimentation demeurait pour le moment mesuré. En effet, les Français diminuent doucement mais sûrement leurs achats en grandes surfaces alimentaires : sur la période estivale, de début juillet à mi-août, les volumes n’ont reculé que de 0,5 % entre 2022 et 2021, demeurant supérieurs à 2019, malgré une inflation annuelle sur les produits alimentaires de +7 % en juillet et 8 % en août. De même qu’en septembre, où malgré une baisse plus significative des volumes achetés entre 2022 et 2021 (-2,4 %), la consommation n’était pas retombée à son niveau d’avant crise sanitaire.
Premiers prix : un succès en partie impulsé par la grande distribution
Si nous n’assistons pas à une réelle vague de déconsommation des produits alimentaires pour le moment, les Français ont déjà commencé réorienter leurs achats : les premiers prix sont les seules catégories à progresser (+5,6 %) sur le 1er semestre 2022 (voir figure 1).
Il faut souligner, à ce titre, que les supermarchés ont augmenté leur offre en produits premiers prix de près de 20 %, cherchant ainsi à rapprocher leur stratégie de celle des discounters (Lidl, Aldi…). Un vrai retournement stratégique. En parallèle, IRI observe que l’offre des produits bio continue de diminuer à grande vitesse dans les enseignes généralistes (responsables à elles seules de plus de 50 % du chiffre d’affaires du bio). La baisse de l’offre est désormais supérieure à celle de la demande alerte IRI (voir figure 2). Cette gestion des assortiments risque d’exercer une influence négative sur le comportement d’achat des consommateurs.
Des consommateurs qui continuent à revendiquer des exigences de qualité
Si 47 % des Français ont déjà commencé à réduire leurs dépenses sur l’alimentaire, principalement sur les catégories des viandes et poissons, l’autre moitié n’a pas commencé à rogner sur cette part du budget (Kantar, 27/09/22). L’achat malin et la réduction du gaspillage alimentaire restent pour eux le principal levier à actionner. Attentifs aux critères santé, mais également écologiques, ces acheteurs au budget moins contraint demeurent encore aujourd’hui attentifs aux innovations des entreprises agroalimentaire en matière de « mieux manger » et de respect de l’environnement.
Attention donc à ne pas opérer un virage trop rapide qui ruinerait les efforts des filières proposant des références plus qualitatives (bio, Labels Rouges, équitables, etc). Les consommateurs demeurent en recherche de produits pour « manger mieux ». Au premier semestre 2022, les produits estampillés des Nutriscores A et B progressaient plus vite que les références moins bien notées, confirmant les prévisions de Kantar qui plaçait en tête ce critère comme déterminant pour aider les consommateurs à choisir un produit plus sain.
Des efforts donc qu’il ne faudrait pas voir se relâcher malgré un contexte instable, au risque de se laisser distancer lors de la reprise.