La Chine contre-attaque, la Bretagne s’adapte

Le torchon brûle entre l’Union européenne et la Chine. Malgré lui, l’agroalimentaire européen se retrouve au cœur de ce bras de fer. La Bretagne semble armée pour y faire face, mais les conséquences à plus long terme pourraient être redoutables.

Bruxelles a instauré des droits de douane spécifiques visant les voitures électriques produites en Chine pour lutter contre une concurrence jugée déloyale. En représailles, Pékin s’en prend à l’agroalimentaire européen. Deux enquêtes antidumping sont lancées contre le cognac et le porc, une enquête antisubventions contre les produits laitiers.

Une filière viande bretonne qui s’adapte malgré les incertitudes

Première destination des produits agricoles et agroalimentaires bretons en 2020 et 2021, la Chine n’occupe aujourd’hui plus que la septième place du palmarès avec 361 millions d’euros exportés en 2023. Cette dégringolade s’explique en partie par le retour en force du porc chinois après l’épisode de fièvre porcine africaine qui avait décimé les cheptels. Pékin a donc réduit son recours aux importations depuis plusieurs trimestres pour soutenir ses producteurs. En Bretagne, cela s’est traduit par une division par deux de nos exportations vers la Chine en trois ans.

Alors que la Chine représentait presque le tiers des exportations bretonnes de viandes de boucherie en 2021, la part est tombée à 15 % en 2023. Le courant d’affaires global pour ces filières a, lui, continué à progresser pour dépasser le milliard d’euros. Si les entreprises bretonnes du secteur de la viande semblent s’être adaptées au repli chinois, les incertitudes demeurent. Celle du report des viandes sur le marché communautaire, alimentant ainsi une pression sur les prix. Mais aussi celle de l’équilibre matière, la Chine étant considérée comme l’un des seuls débouchés pour les abats. L’accord signé ce printemps entre la France et la Chine promettait de générer une hausse du chiffre d’affaires d’environ 10 % grâce aux abats. Qu’en sera-t-il vraiment ?

Le lait breton s’affranchit de la Chine

La Chine boude également les produits laitiers bretons depuis quelques années. En 2023, les exportations régionales vers ce pays ne représentaient plus que 23 milliers de tonnes. La tendance est générale : même si la Chine reste le premier importateur mondial de produits laitiers, elle se replie pour favoriser sa production intérieure. Le pays a en effet triplé sa production de lait en vingt ans, pour atteindre environ 39,2 millions de tonnes en 2022, selon la Rabobank.

Pourtant, sur le premier semestre 2024, les ventes françaises ont décollé à destination de la Chine : +54 % d’envois de lait liquide, +79 % de crème, +48 % de beurre. Une croissance à contre-courant des tendances observées ces dernières années. Ce revirement pourrait s’expliquer par une anticipation des sanctions par certains importateurs chinois. Après l’enquête lancée sur le cognac le 5 janvier 2024, il était plus que probable que la Chine étende cette guerre commerciale à d’autres produits alimentaires.

Avec -38 % de volumes exportés sur le premier semestre 2024 sur un an, la Bretagne ne semble pas avoir saisi cette fenêtre de tir sur le marché chinois. Pas d’inquiétude pour autant, la filière bretonne s’affirme ailleurs dans le monde avec une hausse annuelle globale des exports de produits laitiers de 5,5 % sur ce premier semestre 2024, dont 19,6 % sur la zone Union européenne.

Des conséquences à plus long terme ?

A première vue, les filières lait et porc semblent moins menacées que les producteurs de cognac qui se sont fortement mobilisés mi-septembre. Néanmoins, les conséquences pourraient être plus insidieuses en s’infiltrant dans les prochaines politiques publiques européennes.

Rédigé par Delphine Scheck

Chargée de mission Economie - Emploi, référente industries agroalimentaires et commerce extérieur

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