Une meilleure reconnaissance des femmes en agriculture

Dans une France où les questions de genre et d’égalité sont de plus en plus mises en avant, la place des femmes dans l’emploi agricole est également une question qui a toute sa place. L’agriculture a été longtemps vue comme un secteur réservé aux hommes, alors que le travail réalisé par les femmes était important, sans toutefois être reconnu à sa juste valeur. Heureusement, les choses évoluent, même s’il reste du chemin à parcourir.

L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes correspond à un objectif de société qui se traduit dans l’arsenal législatif : loi Roudy sur l’égalité professionnelle de 1983, renforcée par la loi Génisson de 2001, loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale, loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes avec notamment des actions visant à garantir l’égalité professionnelle et salariale et la mixité dans les métiers.

La reconnaissance du travail des femmes en agriculture a évolué. Elles ne sont plus simplement épouses d’agriculteur, sans statut ni revenu. Elles ont acquis des droits et notamment un statut : statut de « co-exploitante » (1980), puis de chef d’exploitation, notamment dans les GAEC (1982), création des EARL pour constituer des sociétés entre époux (1985), statut de conjoint collaborateur (1999), et enfin possibilité de constituer un GAEC entre époux seuls (2010).

Les femmes : 30 % des actifs agricoles permanents en Bretagne

Pour être considéré comme mixte, un secteur doit être composé de 40 à 60 % de femmes. Avec 30 %, l’agriculture ne répond pas à cette définition. Les actives permanentes du secteur agricole sont près de 17 000 en Bretagne, dont 59 % ont le statut de chef d’exploitation, 25 % celui de salarié permanent non familial, et 17 % celui d’« autre actif familial ».

Depuis au moins les années 80, la part des femmes « autres actives familiales » a beaucoup diminué dans l’emploi agricole féminin, passant de 71 % des actives agricoles en 1988 à 17 % en 2020. Dans les années 90, beaucoup d’entre elles n’avait pas de véritable statut : leur accès aux prestations sociales était donc limité et leur travail n’était pas reconnu.

Au fil du temps, une partie de ces femmes d’agriculteurs sont parties travailler à l’extérieur. Pour celles qui sont restées sur l’exploitation familiale, de plus en plus ont pris leur place, notamment en accédant au statut de chef d’exploitation. Et les femmes qui s’installent seules sont également plus nombreuses aujourd’hui. Elles étaient ainsi 30 % à s’installer (installations avec DJA) en individuel en 2023 (comme chez les hommes) et 32 % à créer leur entreprise (contre 17 % chez les hommes). Et si les femmes salariées agricoles étaient très peu nombreuses à la fin des années 90, leur nombre a beaucoup augmenté depuis : elles sont passées de 1 300 en 1988 à 4 079 en 2020 (+214 %). Le nombre de salariés hommes a également augmenté, mais moins vite (+45 %).

Un travail toujours invisibilisé

Néanmoins, si le travail non reconnu des femmes en agriculture a largement diminué, il est encore présent. C’est par exemple la femme de l’exploitant qui travaille à l’extérieur et qui assure en plus la comptabilité de l’exploitation, ou la traite du soir. C’est un travail invisible, difficile à quantifier, mais qui contribue au fonctionnement et au revenu de l’exploitation.

Des femmes à la tête d’exploitations plus petites que les hommes

La part des exploitations qui compte des femmes parmi les chefs d’exploitation n’est que de 35 % : 15 % sont des exploitations exclusivement féminines et 20 % des exploitations mixtes. Ainsi, dans 65 % des cas, il n’y a que des agriculteurs hommes sur l’exploitation.

Par ailleurs, les agricultrices sont dans des exploitations de plus petites dimensions que les hommes. Chez celles installées en individuel, la surface moyenne de l’exploitation est de 22 ha, contre 39 ha chez les hommes. Quant au potentiel économique de production, il est en moyenne de 84 400 € chez les femmes et de 137 300 € chez les hommes.

Quant à la répartition par statut juridique de l’exploitation, elle est assez proche pour les agricultrices et les agriculteurs. En 2020, 28 % de femmes sont en individuel contre 31 % chez les hommes, et 33 % des femmes sont en Gaec contre 29 % chez les hommes. Dix ans auparavant, la situation était très différente. En individuel, les femmes étaient moins représentées que les hommes (35 % contre 42 %). Parmi les exploitants en société, les femmes étaient surtout en EARL (57 % d’entre elles contre 46 % chez les hommes) et moins souvent en GAEC (29 % contre 39 %), la possibilité de créer des GAEC entre époux seuls ne venant que de faire son apparition avec la loi de modernisation agricole de 2010.

27 % des chefs d’exploitation sont des femmes

La part des femmes parmi les chefs d’exploitation est de 27 %, part qui est stable depuis au moins 25 ans. Elles ont en moyenne 51,5 ans, soit deux ans de plus que les hommes. Elles s’installent en moyenne plus tard que les hommes. Ce sont notamment des femmes qui s’installent après avoir travaillé à l’extérieur ou après avoir élevé leurs enfants, et qui rejoignent ensuite l’exploitation familiale. Ce sont aussi parfois des femmes qui s’installent quand leur mari agriculteur prend sa retraite, afin de prolonger l’activité sur l’exploitation (transfert entre époux). Ainsi, selon le recensement agricole de 2020, seulement 34 % des femmes qui s’installent comme chef, le font avant 30 ans (contre 69% chez les hommes) et 15 % des femmes qui s’installent comme chef, le font après 50 ans (contre seulement 2 % chez les hommes).

Avec près de 3 400 femmes (MSA 2022), les agricultrices sont surtout nombreuses en production laitière, l’activité agricole dominante de la région. Mais les femmes sont surreprésentées dans certains secteurs. En premier lieu dans les activités hippiques (53 % de femmes contre 25 % de femmes en moyenne tous secteurs agricoles confondus). Elles sont également très présentes dans les élevages ovins, caprins, équins (47 % de femmes) et avicoles (34 %), ainsi que dans les « autres élevages » (33 %) qui regroupent les productions animales « moins classiques ». Elles sont aussi un peu plus représentées en cultures spécialisées, notamment en horticulture.

A l’inverse, on trouve un peu moins d’agricultrices en production porcine (22 %). Et dans les activités non purement de production, elles sont très peu présentes dans les entreprises de travaux agricoles (10 % de femmes), ainsi que dans les entreprises paysagistes et forestières (5 %).

Des freins plus importants pour celles qui souhaitent s’installer

En matière d’égalité, si les choses évoluent, il reste du chemin. Une récente enquête de la Chambre d’agriculture de Bretagne montre que les femmes qui souhaitent s’installer, rencontrent des freins spécifiques. Elles subissent des discriminations liées à leur genre, ce qui peut se traduire par un accès plus difficile au foncier ou aux prêts bancaires. Le manque de réseau, l’accès aux aides à l’installation, les contraintes physiques, les problèmes de conciliation avec la vie familiale sont aussi des freins plus souvent évoquées par les femmes.

Les femmes peuvent avoir des envies, des aspirations différentes des hommes en termes de métier, d’activités, de tâches à effectuer sur l’exploitation. La mixité dans l’emploi permet d’enrichir le contexte professionnel grâce aux spécificités, aux compétences particulières de chaque sexe. L’égalité ne signifie donc pas que les hommes et les femmes soient ou doivent devenir identiques. L’égalité est respectée quand les droits, les responsabilités, le statut social ne dépendent pas du sexe des individus (d’après la définition du Bureau International du Travail).

Les prochaines dates à retenir :

  • Mardi 24 septembre 2024 : journée départementale Agriculture au féminin dans les Côtes d’Armor
  • Mardi 15 octobre 2024 : journée départementale Agriculture au féminin en Ille-et-Vilaine

Pour plus d’informations :

Rédigé par Anne Bertagnolio

Chargée de mission Economie - Emploi, référente sur l'emploi et la formation

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