Le bien-être animal au menu de 2023
2023 sera une année importante pour l’élevage européen puisque la Commission européenne doit réviser les règles sur le bien-être animal pour l’ensemble des pays de l’Union européenne. Nous avons vu dans un précédent article que le transport des bovins pourrait en être affecté avec des conséquences pour l’ensemble de la filière.
Le transport n’est qu’un des aspects de cette future réglementation. Tout ce qui touche au bien-être des animaux d’élevage sera révisé. Il est prévu que la Commission européenne fasse des propositions en septembre 2023 pour une entrée en vigueur de la réglementation en 2027. Pour ce faire, la Commission européenne s’appuiera sur les avis de l’Efsa, l’autorité européenne de sécurité des aliments. Cette dernière a remis une série de rapports depuis août 2022, pour chacune des productions : porcs, bovins, équins, petits herbivores, volailles de chair, poules pondeuses et même oiseaux domestiques !
Un gros changement de braquet en vue
La presse s’est fait l’écho de certaines préconisations qui ressortent de ces rapports.
Parmi les plus notables, on peut citer la recommandation de diminuer les contraintes de contention : fin des cages pour les élevages de poules pondeuses, fin des cases individuelles pour les veaux par exemple. Les pratiques jugées douloureuses pour les animaux sont aussi ciblées : castration et coupe des queues des porcs, épointage des becs de poulettes, conditions d’anesthésie au moment de l’abattage. L’autre grand axe d’amélioration du bien-être porte sur la densité : pour l’ensemble des productions, l’Efsa recommande une baisse du nombre d’animaux par m², avec une densité de peuplement maximale de 11 kg/m² dans les poulaillers de volaille de chair par exemple. Le dernier axe concerne les transports, évoqués dans un précédent article.
Les premiers enseignements de ces recommandations
Ces rapports de l’Efsa ne sont que la première étape d’un long processus. Les mesures proposées seront amendées au cours des travaux des différentes instances européennes. Elles sont cependant importantes car elles donnent le la.
Ces propositions pourraient impacter le potentiel de production
Le premier constat que l’on peut faire à propos de ces recommandations est que celles-ci impliqueraient des changements de grande ampleur sans doute supérieurs aux précédentes révisions des normes de bien-être. Dans un contexte de difficultés économiques, l’Union européenne semble vouloir garder son cap de long terme d’amélioration du bien-être animal, quitte à renchérir le prix des produits issus de l’élevage auprès des consommateurs.
La crainte que l’on peut émettre au vue de ces orientations, c’est le risque d’atteinte au potentiel de production de l’élevage européen. La loi du marché et les éventuelles aides publiques pourraient permettre de compenser les importants besoins en investissements requis. Mais qui dit dé-densification, dit plus de bâtiments s’il l’on veut conserver le même potentiel de production. Or il est de plus en plus difficile en Bretagne mais aussi dans de nombreux pays européens d’en construire des nouveaux ou d’agrandir ceux existants pour des raisons autres qu’économiques.
Une législation au niveau européen comporte des avantages
Elle apporte une visibilité dans le temps : la date de l’obligation sera connue par l’ensemble des filières plusieurs années à l’avance. De plus, elle s’applique à l’ensemble du marché commun, ce qui évite les distorsions de concurrence entre pays de l’UE. Il est donc préférable pour les filières que les évolutions en termes de bien-être animal proviennent de la loi plutôt que des groupes de pression, par nature imprévisibles et générant des distorsions de concurrence.
Paradoxalement, plus la réglementation ira loin dans ces demandes d’amélioration de bien-être animal, moins il y aura d’espace pour ces groupes de pression. L’équilibre devra cependant être trouvé avec la faisabilité technique et économique.
Enfin le dernier point, et pas des moindres, concerne les échanges extra-européens. Est-ce que les importations en provenance des pays tiers seront soumises aux mêmes exigences de production ? Si la réponse est non, ces réglementations, en augmentant les coûts de production, fragiliseront l’ensemble de l’élevage européen.