Vers la fin de l’optimisation de la collecte ?

L’Autorité de la concurrence a réalisé en novembre des visites chez un certain nombre de grands transformateurs laitiers. Dans le viseur de l’organisme d’État : l’optimisation logistique de la collecte. Si cela ne préjuge pas de la culpabilité des entreprises concernées, nous pouvons nous questionner sur les conséquences qu’aurait la fin de telles pratiques.

C’est ce 18 novembre 2022 que l’Autorité de la concurrence publie un communiqué dans lequel elle signale que « des opérations de visite et des saisies inopinées ont été réalisées dans le secteur de l’approvisionnement en lait de vache ».

En effet, plusieurs entreprises sont suspectées d’avoir mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles dans ce secteur. Si le communiqué ne précise pas quelles entreprises ont fait l’objet de visites, il s’agirait au moins, selon le Figaro, de Lactalis, Sodiaal, Savencia et Eurial. Ces quatre transformateurs représentent à eux seuls plus de la moitié du lait collecté en France.

Une optimisation de la collecte

Les pratiques anticoncurrentielles visées par l’Autorité de la concurrence seraient des pratiques d’optimisation de la collecte. En effet, régulièrement, les laiteries procèdent à la collecte du lait d’éleveurs se situant à proximité d’un autre point de collecte, même si cet éleveur n’est pas fournisseur de ladite laiterie. Ensuite, le transformateur client de l’exploitation rembourse la laiterie ayant effectué la collecte. Il s’agit d’un échange de bons procédés qui existe depuis plusieurs décennies.

L’Autorité de la concurrence précise qu’à l’heure actuelle « ces interventions ne préjugent […] pas de la culpabilité des entreprises concernées par les pratiques présumées ». Les soupçons de distorsion de la concurrence peuvent s’entendre, en particulier s’il s’agit d’un procédé régulier entre certains transformateurs et que d’autres en seraient exclus.

Par ailleurs, ces pratiques avaient été dénoncées dès 2016 par la FRSEA Basse-Normandie pour leur manque de transparence et parce qu’elles ne permettraient pas « au fournisseur de choisir librement son client ». En effet, si ces pratiques s’accompagnent d’une entente entre laiteries pour ne pas passer de contrat avec l’agriculteur fournisseur d’une autre laiterie avec qui l’accord a été passé, cela remet en question la liberté de l’exploitant dans le choix de son client.

Une intervention qui questionne

Toutefois, cette intervention peut nous questionner si les pratiques d’optimisation seraient elle-mêmes remises en cause. En effet, cette optimisation de la collecte a plusieurs avantages. Tout d’abord, elle permet de réduire la consommation de gasoil et s’inscrit donc pleinement dans les objectifs RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) de l’interprofession.

En outre, en réduisant les coûts et les contraintes logistiques pour chaque opérateur, ces pratiques participent aussi à la performance économique de la filière laitière française. Interdire cette optimisation pourrait mettre à mal la compétitivité de la filière.

En réaction, les entreprises pourraient définir un redécoupage des points de collecte par rapport à l’emplacement de leurs outils de transformation, et donc renoncer à se fournir auprès des exploitations les plus éloignées de ces outils. Les agriculteurs se retrouveraient donc avec un choix amoindri de potentiels clients. Ainsi, cette mesure impacterait négativement la concurrence !

Une autre solution qui pourrait être envisagée : que les éleveurs participent aux coûts de collecte, comme c’est le cas aux Pays-Bas. Mais là encore, la compétitivité de la filière laitière serait mise en mal, notamment par rapport aux filières végétales, dans un contexte où le cheptel laitier breton est en diminution depuis 2018.

Gageons donc que cette intervention de l’Autorité de la concurrence n’aboutisse pas à une interdiction de l’optimisation de la collecte, car cela aurait des conséquences néfastes à l’ensemble des acteurs de la filière.

Rédigé par Olivier Carvin

Chargé de mission Economie - Emploi, référent sur la filière laitière Docteur en économie de l'agroenvironnement. Breton d'adoption. Je mets mes compétences en analyse économique au service de la filière laitière bretonne. Je suis aussi le M. Diffusion de l'équipe.

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